C’est Antemanha qui me fait découvrir les poèmes d’Anna Gréki, poétesse algérienne d'expression française, présentée ainsi par la maison d’édition Terrasses qui en a publié un recueil de ses poèmes, accompagnés d’une traduction en arabe par Lamis Saidi, début 2020.
Anna Gréki, de son vrai nom Colette Grégoire est une poétesse et militante algérienne née en 1931 en Algérie. Engagée jeune à la Sorbonne auprès des étudiants communistes et partisans de l’indépendance algérienne comme Sid Ahmed Inal, André Beckouche, Jean-Claude Melki… elle retourne en Algérie après le déclenchement de la guerre de libération aux côtés des militants du PCA et des Combattants de la Libération. Arrêtée, torturée, elle continue d’écrire en prison jusqu’à son exil à Tunis où sera publié son premier recueil : Algérie, capitale Alger. À l’indépendance elle reprend ses études à Alger et s’engage dans la lutte pour une culture populaire et révolutionnaire et milite en faveur d’une littérature algérienne plurielle. Elle meurt soudainement en 1966.
Voici trois des poèmes que vous pouvez écouter, parmi ceux que lit Antemanha, en cliquant sur ce lien.
J’habite une ville…
J’habite une ville si candide
Qu'on l'appelle Alger la Blanche
Ses maisons chaulées sont suspendues
En cascade en pain de sucre
En coquilles d'oeufs brisés
En lait de lumière solaire
En éblouissante lessive passée au bleu
En plein milieu
De tout le bleu
D'une pomme bleue
Je tourne sur moi-même
Et je bats ce sucre bleu du ciel
Et je bats cette neige bleue du ciel
Bâtis sur des îles battues qui furent mille
Ville audacieuse Ville démarrée
Ville au large rapide à l'aventure
On l'appelle El Djezaïr
Comme un navire
De la compagnie Charles le Borgne.
Juste au-dessus du silence
Je parle bas tout juste au-dessus du silence
Pour que même l'autre oreille n’entende pas
La terre dort à ciel ouvert et dans ma tête
se prolonge avec des rigueurs d'asphodèles
J'ai repeuplé quelques déserts beaucoup marché
Alors je gis dans ma fatigue et dans ma joie
Ces varechs jetés par les lames des étés
Dans des pays des morceaux de moi font semence
et donnent-surgeons de ma tendresse-de tels
Oasis que les jours sont des vergers en fête
Ou l'homme boit une vigueur amniotique
Le bonheur tombe dans le domaine public
Par-delà les murs clos
Par-delà les murs clos comme des poings fermés
à travers les barreaux ceinturant le soleil
nos pensées sont verticales et nos espoirs
L'avenir lové au coeur monte vers le ciel
comme des bras levés en signe d'adieu
des bras dressés enracinés dans la lumière
en signe d'appel d'amour de reviens ma vie
Je vous serre contre ma poitrine mes soeurs
bâtisseuses de liberté et de tendresse
et je vous dis à demain car nous le savons
L'avenir est pour demain
L'avenir est pour bientôt