Voilà des années que cet ouvrage de Benoîte Groult m'a été conseillé alors que je finissais le Deuxième sexe. J'en sors moins emballée que du bouquin de Simone mais j'ai tout de même été scandalisée par quelques trucs ! Ce n'est pas tout à fait le même ton, Benoîte sait être ironique et percutante, elle amène des exemples qui font froid dans le dos, elle est plus "humaine" dans son approche du sujet des inégalités hommes / femmes que Simone. Et parfois, elle s'emballe presque trop et sa lectrice en avait mal au cœur !
Mais l'ensemble reste très actuel, même plus de 50 ans après sa publication. Peut-être un peu moins en France, et encore, mais à l'international, aucun doute ! Considérer les femmes comme des êtres inférieurs, avec moins de droits (le témoignage de deux femmes valent celui d'un seul homme dans certains pays), une sexualité à brider (excision) et une maternité due (en France aussi quand vous n'avez pas d'enfant et êtes mariée depuis longtemps), c'est malheureusement encore très courant. A travers les différents sujets et époques, Benoîte Groult met au jour ces inégalités, les agite, les explique et demande du changement.
Elle s'intéresse à tous les secteurs, politique, bien sûr, mais aussi personnel, ménager, esthétique, psychologique ou sexuel.
Quelques citations choisies, attention à la récolte :
"J'aurais continué à esquisser un humble sourire de remerciement, résignée au fait que les auteurs à seins ne soient lus que par des lecteurs à seins. Et si dans un sursaut d'amour-propre, tout en maintenant mon sourire aimable car une femme doit rester charmante, j'avais ajouté : "Parce que vous, bien sûr, les livres de femmes ne vous intéressent pas ?" les maris en question auraient souri avec courtoisie en s'excusant de n'avoir de temps que pour les choses sérieuses. Ils lisent bien sûr, ces hommes-là, mais des livres d'hommes, des livres normaux, quoi ! Évidemment, mes livres à moi parlent d'amour. C'est un sujet si féminin... quand il est traité par une femme. Mais quand c'est Flaubert qui décrit l'amour, cela devient un sujet humain. Il n'existe pas de sujet masculin pour la raison irréfutable que la littérature masculine c'est LA littérature ! Quant à la littérature féminine, elle est à LA littérature ce que la musique militaire est à LA musique."
"Qu'est-ce qui leur prend, soudain, aux femmes ? Voilà qu'elles se mettent toutes à écrire des livres. Qu'ont-elles donc à dire de si important ? demandait récemment un hebdomadaire qui ne s'était jamais posé la question de savoir pourquoi les hommes écrivaient, eux, depuis deux mille ans et ce qui leur restait encore à dire !"
"Laisser une femme lire les livres que son esprit la porte à choisir, mais c'est lui apprendre à se passer de vous" - c'est Balzac qui écrit ça !
"La médecine est déconseillée « parce qu'elle réclame un équilibre nerveux qui n’est pas l’apanage des femmes et oblige à supporter des spectacles pénibles ». En revanche, la profession d’infirmière ou de sage-femme, qui ne présente aucun spectacle pénible comme chacun sait et qui est très reposante pour les nerfs, est vivement recommandée"