(Les Disputaisons) Quitter sa langue natale, écrire en français, 4. Silvia Marzocchi

Par Florence Trocmé


Quitter sa langue natale, écrire en français

Ne pas ou ne plus écrire dans sa langue maternelle, est-ce un réel choix ? N’est-ce pas la langue d’accueil qui vous élit ? Le poète tchadien Nimrod écrit : « J’ai écrit en français parce que les lettres françaises ont fait vibrer mon être au-delà de tout ce que je pourrais en dire. J’ai été élu, je ne suis pas l’auteur de mon élection. On dispense l’amour parce qu’on a été aimé. »
L’amour y est-il pour quelque chose ?
Est-ce une fuite, un exil, un rejet de son pays, une décision politique ? « Écrire dans une langue étrangère est une émancipation. C’est se libérer de son propre passé », déclarait Cioran. La langue adoptée est-elle une « contre-langue » (maternelle) ? Un exil dans l’exil ? Si tant est que la langue du poème est une langue étrangère inscrite dans une langue natale (« la langue du poème est une “ langue étrangère ” » déclare Emmanuel Laugier en écho à Gilles Deleuze : « autant dire qu’un grand écrivain est toujours comme un étranger dans la langue où il s’exprime, même si c’est sa langue natale »). Est-ce être nulle part ?
L’adoption d’une autre langue correspond-elle à un déplacement physique ?
Samuel Beckett disait rechercher, dans la langue française, une langue sans style, « essayant de trouver un rythme et une syntaxe d’extrême faiblesse » (« trying to find the rhythm and syntax of extreme weakness ») : le choix du français fait-il abandonner un style ? Chercher un autre style ? Affaiblit-il le sens ? Est-ce une autre personne qui apparaît dans l’autre langue ? Peut-on parler d’un devenir-autre ?
Et pourquoi le français ? Dont Cioran disait que c’est une langue sclérosée, arrêtée. Offensif, Kateb Yacine quant à lui déclarait : « j’écris en français pour dire aux Français que je ne suis pas français ».
Les questions sont nombreuses, elles se posent en vrac car l’histoire de la langue de chacun est un monde. Alors c’est l’histoire de poètes qui se sont aventurés dans la langue française, qu’on voudrait lire.
Cette nouvelle Disputaison sera publiée en deux livraisons. Elle a été conçue et préparée par Jean-Pascal Dubost.
Aujourd'hui, quatrième épisode avec la contribution de Silvia Marzocchi
On peut la lire  en cliquant sur ce lien.
Sommaire de la première livraison :
1- Nimrod
2- Souad Labbize
3- Ian Monk
4- Silvia Marzocchi
5- Alexander Dickow
6- Radu Bata
7- Sebastian Reichmann
8- Maria Raluca Hanea
9- Christoph Bruneel
10- Carla Lucarelli
11- Eugène Green
12- Fabio Scotto
13- Carles Diaz
14- Tom Riesen
15- Jan Baetens
16- Jody Pou
Image : Érik Desmazières, Haute galerie circulaire, pl. VII de la suite Onze estampes inspirées de « La Biblioteca de Babel », 1998, eau-forte et aquatinte, 35,5 x 25,4 - source