Suite du feuilleton Maurice Nicoll …
Nicoll utilise en anglais le terme « force » que je choisis ici de traduire le plus souvent par « énergie," parfois par « force ». Comme pour les extraits précédents, j’effectue quelques coupes. Ce passage se trouve dans le volume 2 des Psychological Commentaires, pp 373-375)
La notion de force est une idée essentielle dans le Travail. Pour s'éveiller un être humain doit avoir de l'énergie : sans énergie (ou force) il ne peut pas s'éveiller. La notion de force peut-être mieux comprise si on l’étudie sous deux angles. Le Travail dit que l'être humain perd de l'énergie de bien des manières, qu'il mentionne ; qu'il gagne de l'énergie en travaillant sur lui-même ; et qu'il crée de l'énergie par l'acte du rappel de soi.
Considérons la perte d'énergie. Il nous est dit que nous ne pouvons commencer à nous éveiller qu’après beaucoup d'efforts et un long labeur, et que cela est dû au faite que la vie veut que nous demeurions endormis. Elle a ses propres raisons pour cela. Cela signifie que la vie nous empêche de conserver notre énergie, ou, pour le dire autrement, que la vie nous prend notre énergie.
Comme nous ne sommes rien d'autre qu'une masse d’habitudes, la vie forme très tôt en nous différentes habitudes, parfois très complexes, par lesquelles nous perdons de l’énergie. Ainsi, nous perdons de l'énergie mécaniquement , tout comme nous faisons tout mécaniquement.
C'est très difficile de voir comment nous perdons de l'énergie. Il nous faut nous considérer nous-mêmes à la lumière de cette nouvelle connaissance, échanger nos vieilles idées contre de nouvelles afin de réaliser ce qui se produit continuellement. Une personne peut perdre de l’énergie en un éclair simplement parce qu'elle éprouve une émotion négative.
Dans le travail, qui s'étend sur la durée, nous commençons à comprendre que nous faisons face a une masse d'habitude et que ces habitudes ne sont pas nous. C'est une expérience douloureuse et il est inutile de la tenter si nous ne sommes pas convaincus qu'il y a quelque chose à atteindre.
Maintenant, pour s'éveiller, tout ce qui va à l'encontre de la mécanicité peut aider. L'observation de soi est anti mécanique et doit prévaloir sur tout le reste.
Mais c'est dans la non identification que réside la clé principale pour prévenir la perte d'énergie. Tout acte de non identification économise de l'énergie. Je parle bien de l'énergie nécessaire à l’éveil.
Si nous nous identifions à tout, à l'extérieur comme à l’intérieur, nous ne pouvons pas avoir l'énergie nécessaire pour mettre en œuvre le travail ou le comprendre. Le travail demeure lointain tel un vague nuage. Au bout d'un moment on commence à remarquer qu'on est endormi. Autrement dit, on commence à remarquer qu'on a perdu de l'énergie. En même temps, on remarque que le travail et ses notions paraissent très éloignés. Quand on commence à disposer d'un tel baromètre, il devient possible d'étudier de manière plus détaillée ce qui précisément cause une perte d'énergie.
Bien que les causes de la perte d'énergie puissent être classées en catégories générales qui s'appliquent à tous, comme par exemple les états négatifs, chaque personne a en elle-même des causes particulières, lesquelles doivent être observées individuellement dans le plus grand détail et sur lesquelles il convient de réfléchir avec le plus grand soin à la lumière de la nouvelle compréhension donnée par le Travail. Faute de quoi il n'y a pas de sincérité vis-à-vis de soi-même. Or c'est seulement sur le fondement de la sincérité vis-à-vis de soi-même qu'il est possible d'édifier quoi que ce soit en nous-mêmes. Sans cette sincérité il ne ne saurait y avoir de centre de gravité établi par l'influence du travail, si bien que rien de ce qui procède du je réel ne nous atteindra.
Tout cela participe de la nécessité d'attribuer une valeur au Travail, nécessité dont il est souvent question. Si nous n'attribuons pas une réelle valeur au Travail, nous ne pouvons pas faire preuve de sincérité vis-à-vis de lui, pas plus que nous ne pouvons percevoir précisément la perte d'énergie en nous-mêmes. Une personne ne remarquera pas clairement qu'elle est endormie même si elle pourra remarquer que le Travail semble bien loin.
A suivre...