De Greta à Just Stop Oil : l’écologisme en pleine crise d’adolescence

Publié le 26 octobre 2022 par Magazinenagg

 Par Jean-Paul Oury.

« Il faut que jeunesse se passe » … entre Greta qui revient à la raison sur le nucléaire et les jeunes activistes de Just Stop Oil qui vandalisent le tableau de Van Gogh, jamais l’actualité de la semaine n’aura autant  illustré ce vieux dicton populaire…

Encore faut-il que notre société en proie au jeunisme cesse d’accorder une valeur à ce dernier. Or quand on voit l’emprise de l’écologisme sur nos politiques scientifiques, on a toutes les bonnes raisons de douter de cette possibilité.

Pendant que Greta accepte de ranger sa chambre… 

Greta Thunberg a surpris tout le monde en déclarant qu’il ne fallait pas forcément fermer les centrales nucléaires allemandes.

Une volte-face qui pourrait presque faire oublier qu’elle s’est fait connaître en appelant à la grève des cours, un geste de protestation contre la société du savoir et notre civilisation contemporaine. Comme je l’ai expliqué dans Greta a tué Einstein, elle a incarné la mort symbolique du père de la science moderne. Au-delà des manœuvres de communication et de lobbying cet acte fut l’aboutissement du sacrifice de la science prométhéenne sur l’autel de l’écologisme, sachant qu’il est désormais tabou de modifier le vivant, de fissionner l’atome, de diffuser des ondes et de synthétiser des molécules.

Pourtant loin d’être achevée la pensée de Greta Thunberg ne semble cesser de mûrir au fil des déclarations… et devant le vent de protestation académique qu’a soulevé sa démarche initiale, elle a dû revoir sa copie et est allée déclarer à l’ONU et à Davos qu’il fallait écouter la science. Intrigué par cette nouvelle déclaration, je me suis interrogé sur le sens qu’il fallait alors lui donner dans Greta a ressuscité Einstein, sachant qu’elle continuait de condamner le nucléaire sur sa page Facebook et qu’elle s’en est encore pris récemment à l’UE qui au dernier moment a intégré le nucléaire dans la taxonomie.

Son dernier revirement fait-il pour autant d’elle une convertie à la manière d’un Lomborg, d’un Shellenberger ou d’un Moore ?

Même si la question se pose, il est encore trop tôt pour se prononcer et il nous faudra attendre la prochaine déclaration de cette pythie des temps modernes, tout en étant conscients que le Grétatisme n’a pas fini de sévir, bien au contraire.

… Just stop oil ne termine pas sa soupe 

En effet, alors que les technosolutionnistes du monde entier étaient encore en train de sabler le champagne pour célébrer l’approbation atomique, même si à demi-mot, de la jeune Suédoise, un attentat à la soupe de tomate projetée sur Les tournesols de Vincent van Gogh est venu gâcher la joie des naïfs qui avaient commencé d’enterrer le Grétatisme.

On rapproche souvent Just Stop Oil d’Extinction Rebellion, et avec raison : le stupidité de l’acte est à la hauteur du postulat de Roger Hallam, fondateur de l’ONG dont il faut lire la lettre  pour comprendre qu’il s’agit bel est bien d’un mouvement qui prône le terrorisme écologique. Toutefois, cette surenchère dans l’action illustre à quel point la politique a récupéré la science du climat. Dans Greta a ressuscité Einstein, je décortique ce phénomène en mettant au jour les cinq sophismes qui permettent aux politiques de détourner et de s’approprier la science afin d’établir une Climatocratie.

En voici deux.

Tout d’abord, alors que la science cherche à calibrer son objet et propose des actions définies et ciblées, les idéologues au contraire se vautrent dans la démesure. C’est ainsi que selon eux, on n’en fait jamais assez pour le climat, qu’il faut en faire toujours plus, qu’il faut agir plus vite et tout de suite maintenant, ou pour reprendre le fameux slogan de Greta « no more blah blah blah »… toutes ces locutions souffrent d’abstraction et forcément on peut y adjoindre n’importe quel type d’actions, les plus coûteuses, les moins efficaces, les plus pénibles, voire – c’est moins drôle – les plus violentes.

Au contraire, la science essaye de chiffrer le coût du changement climatique comme le fait, par exemple, Bjorn Lomborg en s’appuyant sur les travaux de William Nordhaus, prix Nobel d’économie qui évalue un coût des dommages causés par le changement climatique sur le PIB mondial d’ici la fin du siècle, à – 4 % ; sachant que d’ici là, la richesse moyenne par individu sera multipliée par 450, (une fois déduit le coût du changement climatique, cela revient à 432) ce n’est donc pas la catastrophe annoncée et cela permet de se poser la question sur les stratégies à adopter, autres que les mesures sacrificielles ou les actes terroristes motivés par les peur-paniques.

Ensuite, si on s’interroge sur les motifs de l’action des deux jeunes terroristes, on réalise à quel point le débat a été moralisé : ces militantes ont voulu sensibiliser l’opinion au fait que de nouveaux projets pétroliers allaient être signés… Elles sont prisonnières de cette logique qui a diabolisé certaines énergies (notamment les énergies fossiles) et qui fait que l’on n’évalue plus l’utilisation de celles-ci – alors qu’elles représentent encore 83 % de tous les usages – en termes de risque-bénéfice (ce que doit faire la science), mais de bien ou mal…

Du point de vue scientifique on s’interroge sur ce qui est le plus risqué : avoir abandonné la prospection de gaz de schiste en Europe au regard des risques que nous prédisent les modèles les plus catastrophistes ou abandonner à leur triste sort les populations qui vont subir des pénuries d’énergie cet hiver…

Autre question possible : être autonome sur le plan énergétique ou dépendant d’autres pays ?

Hélas toutes ces questions sont occultées par la moralisation du débat ce qui finit par causer des actions désespérées et jusqu’au-boutiste.

On comprend alors l’erreur de ces jeunes qui croient justifier leur action en invoquant la science et l’urgence climatique et se sont fait berner : il ne s’agit pas de science mais de politique qu’ils ont pris pour de la science.

Pour que jeunesse se passe 

De nombreux internautes s’étonnent que l’on perde du temps à commenter et donc donner de l’importance aux propos de ces jeunes.

Hélas je pense qu’il ne faut laisser passer aucune des lubies de l’écologisme et les combattre pied à pied sans hésiter et dès qu’elles se présentent (ce que je fais à titre personnel depuis La querelle des OGM)…

Car quand on laisse passer ce genre d’actions militantes, des années plus tard on se retrouve à devoir composer avec un vocabulaire, un corpus idéologique, voire une nouvelle législation qui s’en inspire et nous projette dans un monde dystopique qui devient notre réalité. Ceux qui en doutent peuvent se renseigner sur l’histoire récente de la R&D des biotechnologies vertes françaises ou de Fessenheim et s’interroger sur les raisons absurdes qui en sont à l’origine.

Il est vrai que si une civilisation extra-terrestre nous observe, elle ne manquera pas d’être surprise de constater que nous attendons qu’une jeune adolescente change d’avis sur le nucléaire pour savoir si on doit se chauffer cet hiver. Mais si elle tire le fil rouge elle aura vite fait de comprendre.

L’écologisme a investi notre société en imposant une idéologie qui tout en dénigrant la science prométhéenne et sa promesse de nous libérer de contraintes que nous impose la nature (la science des ingénieurs), réclame au contraire de pouvoir s’appuyer sur la science pour créer de nouveaux déterminismes (la science des législateurs). Dans ces conditions, il est difficile d’incriminer un manque de rationalité et d’attendre que jeunesse se passe.

Car pour que ce soit le cas il faudrait que le référentiel de valeurs qu’on propose à ladite jeunesse soit tout autre et qu’il aide l’adolescence à accéder à l’âge de raison. Or comme on l’a vu, au travers de la vague de bifurqueurs et autres déserteurs qui a déferlé dans les grandes écoles, une majorité semble choisir de s’orienter vers l’écologisme et de l’embrasser.

Pour donner une tournure biblique à notre conclusion, une majorité a décidé d’enterrer son talent (voir l’introduction de Greta a ressuscité Einstein).

Dans ces conditions il ne sert à rien d’attendre que jeunesse se passe… C’est toute la génération précaution qui doit changer et se ré-intéresser aux vertus émancipatrices de la science pour l’humanité.