Chaque jour apporte, soustrait, redonne
une espérance de haut vol qu’agrandit l’horizon.
Il confesse par ailleurs ce qu’on n’imaginait pas venant de lui :
Enfant, souvent j’ai rêvé d’être un grand footballeur.
Enfin, et pour bien marquer le combat religieux dans lequel il s’inscrit :
Aucune phrase ne sera donnée par le dieu.
Trop tard.
Elle se lèvera plutôt du fond de toi…
On est au cœur de l’orgueil de l’écrivain. Un mot encore à sortir du préambule pour bien prendre la mesure du projet serait celui d’incertitudes. Le livre commence ensuite.
Frapper le tambourin. Agiter le sistre.
Émouvoir la cymbale.
Ce qui frappe, ce sont les chiffres, et rien qu’en reprenant les titres de poèmes : « Les quatre cavaliers », « Le sixième sceau », « Les 7 sonneries », « Les 7 signes », « Les fléaux des 7 anges » … Il y a toute une symbolique qui s’en dégage dont on ne comprend pas toujours l’intérêt ou la portée, mais qui semble donner au texte une véracité et une authenticité qu’il n’aurait pas autrement. Un peu comme cette comparaison qui s’impose d’elle-même :
Un lézard sort, formant comme une preuve
libéré de l’interstice.
Autre élément notable, la présence de deux personnages, récurrents tout au long du volume : Jean, sorte de devancier comparse à qui l’auteur s’adresse de temps à autre en tant que témoin ou complice, et l’Ange, mis un peu à toutes les sauces.
Il se tient méticuleux et sobre, l’ange
pas du tout emprunté par l’infini qu’il porte…
ici et là :
L’ange, qui n’est qu’image d’hélium,…
Je crois qu’au fond, Jean-Luc Steinmetz a pris un réel plaisir à s’introduire dans ce monde de mystères, de légendes et d’animaux fabuleux, par ce biais littéraire nimbé de croyances et de prophéties… Pour ce faire et pour bien prendre en compte la dimension universelle, cosmique de cette écriture, il va convoquer dans plusieurs longs poèmes de quoi se compose la planète : et d’abord « les peuples », il va les nommer, presque un par un, en recensant les continents, du Nord
quand on attend le phoque près du trou dans la glace
au sud, puis « les villes », citant à nouveau toutes les capitales
Dans chacune j’ai posé mon baluchon au carrefour, le paquetage d’un homme qui parcourt le monde
en imagination…
Ensuite « 17 poètes », pour le poète, c’est une autre façon de saisir la terre par l’histoire de la poésie avec cet hommage :
L’Apocalypse plurielle et mienne n’a d’autre idée que de faire arriver encore
et encore ce que trop d’obscurité obombra.
Et lorsque la somme totale de tout aura été saisie, revient cette parole :
Aujourd’hui blasphémant, j’envisage la faute de Dieu
hypothèse qui tient d’un cauchemar climatisé…
e
t il insiste plus loin :
…et n’allez pas croire que je consente au Jugement.
Je sors du tribunal commun, m’en excepte, refuse de porter le poids
du péché comme un foie malade.
En note, l’auteur parle de « dépassement » et c’est bien pour cette affirmation de soi, de l’homme qui prend le dessus, qui triomphe et ne renonce à rien que ce livre cathédrale me semble important et fondateur. Jean-Luc Steinmetz l’a écrit en seulement deux mois, preuve s’il en était besoin de l’urgence de la chose et de la nécessité de faire aboutir ce projet hors du commun… Et pour reprendre les derniers vers de la première page :
Vous regarderez l’issue hors de la membrane placentaire.
A pleins poumons vous prendrez votre respiration
et, d’un élan sans peur, vous avancerez jusqu’au prochain jour.
Jacques Morin
Jean-Luc Steinmetz, Vers l’apocalypse, Le Castor Astral, 2022, 200 pages 15 €.
Couverture de Valère Novarina.
Extrait, page 20
En remuant les mots, en les dérangeant de leur place habituelle
qu’exigent les discours civiques
(les fameux instants de sens partagé)
je réponds et ne réponds pas,
je suis sur le frontière du présent et du futur
appelle la pensée prophétique
qui ouvre grandes les portes du caravansérail ou de l’église.
Il faudrait l’universelle compréhension
toutes les langues réunies au creuset
et non pas le rendez-vous des termites
ni les confusions digitales
quand dérape l’index sur des chiffres surcodés.
En les prenant, ces mots, pour ce qu’ils valent
et comme il se trouvent.
Un goût salé vient sur la langue.
Le seul qui s’impose
est celui qu’apportent les larmes et le sang.