"35 ans, adopté à 10 mois, originaire du Liban.
Recherches de la mère, lettres, voyages au Liban... pour rien.
Aussi : 15 ans de prise de tête, d'introspection, pour comprendre le pourquoi de mon mal être.
Pourquoi bordel cet ABANDON me bouffe t' il la tête ?
Pourquoi me sentir "mutilé" de moi meme ?
Pourquoi cette sensation permanente de ne pas exister, de ne pas être là, de ne pas avoir commencé à vivre?
Pourquoi cette sensation de perte irrémédiable qui engloutit tout ?
Pourquoi cette sensation d'être "ré-abandonné", englouti dans un néant insupportable dès que quelqu'un me critique ou me rejette ?
Il y a 1-2 ans, j'ai commencé à avoir des intuitions là dessus. Des intuitions assez étranges, pour tout dire. Et peu à peu ça se précise, alors je décide de vous en parler.
Ce que je crois :
Le jugement des adultes sur l'abandon fait que l'enfant en vient à croire que oui, effectivement, il a perdu quelque chose de très grave dans l'abandon. Problème : à la base, il ne ressent pas cette "perte très grave". Il la vit parce qu'on lui a dit qu'il est censé la vivre (qui se souvient de sa mère bio ?). Mais en fait, il n'éprouve aucun manque profond, juste un manque artificiel, fabriqué par des adultes via leur jugement rétrospectif sur l'abandon ("ah oui, c'est triste d'être abandonné, etc"). Il en vient à se dire que oui, il souffre beaucoup, alors qu'en fait... il ne souffre pas. On lui dit qu'il doit en être triste... il ne l'est pas, mais il le devient. Au point de considérer, adulte, que l'abandon est une perte terrible, douloureuse, insupportable....
Mais pourquoi donc s'est il mis à croire mordicus à cette "perte irréparable" que serait l'abandon, s'il ne la ressentais pas à l'origine ? A mon sens, car il s'est convaincu, via la pensée des adultes, que d'une certaine manière, il est mort dans l'abandon.
Ce qui est faux bien sûr, et je m'explique:
Je pense que dans l'adoption, on se retrouve face à des gens aimants (enfin, souvent) mais stériles. Et qui pensent plus ou moins inconsciemment "il est injuste que nous, parents aimants, soyions stériles, alors que des couples incompétents peuvent avoir plein d'enfants, comme les géniteurs de mon enfant adoptif par exemple". Ils ont alors pour cette raison, envie de survaloriser leur apport (en faisant passer l'idée de type "c'est grâce à nous que tu vis"), et de diminuer au max l'apport des géniteurs. En fait, ils ont instinctivement envie (et c'est normal) d'avoir "fait" l'enfant, d'être ceux qui lui ont donné la vie. Ils se mettent à véhiculer cette idée absurde que l'on donne la vie à un enfant par l'amour qu'on lui donne. Que c'est l'amour, la présence, qui fait que l'enfant va vivre (forcément, ils ne peuvent pas donner plus que cela! Et s'ils l'avaient pu, bien souvent ils n'auraient pas adopté et nous ne serions pas là chez eux !). En bref, ils se convainquent qu'ils sont à l'origine de la vie de leur enfant parce qu'ils lui ont donné amour et présence.
Et cette idée se diffuse dans la tête de l'enfant. Lequel va alors penser "Puisque, c'est avec de l'amour et de la présence qu'on donne vraiment la vie, alors ça veut donc dire que l'abandon m'a tué. Mes géniteurs m'ont tué en m'abandonnant, et heureusement mes parents adoptifs m'ont rescussité en m'adoptant".
Mais il y a un problème : si l'enfant croit que c'est la présence et l'amour qui donne la vie, alors ca veut dire que pour vivre, pour exister, l'enfant aura tout le temps besoin de l'autre, de l'amour de l'autre, de sa présence... Et s'il ne l'a pas (ce qui est le cas souvent dans cette vie!) ... alors il meurt à nouveau ! Il est donc condamné à ne vivre que par intermittence, au bon vouloir de l'autre. Soit à ne jamais vraiment exister. A être mutilé de lui même.
Or : toutes ces idées sont fausses. Car c'est une bite qui bande dans une chatte qui mouille qui fait les enfants. Et pas l'amour, ou la présence aux côtés de l'enfant. C'est injuste, triste, tout ce qu'on veut, mais c'est ainsi.
Les parents adoptifs ne donnent pas la vie. Pour la simple et bonne raison que la vie, l'enfant l'avait déjà avant l'adoption. Ce ne sont pas des enfants morts que les parents adoptent, mais des enfants vivants. Bien vivants. Qui vivront, adoption ou non. Seule la qualité de leur vie en sera changé. C'est tout.
Qui plus est, nous, enfant, on rentre dans le jeu : on a envie de leur dire à nos parents adoptifs "oui c'est à vous que je dois la vie" (combien de gens adoptés le disent!) , un peu comme si c'était eux, par l'adoption, qui nous avaient fait vivre. Pourquoi ? Car en se figurant ainsi que on a une dette de vie envers eux, on a ainsi rétabli une injustice. On les a remercié de l'adoption. Car oui c'est lourd de recevoir pour un enfant autant de dons de parents qui nous considèrent comme leurs "vrais" enfants , alors que en retour on sait que on ne pourra jamais être pour eux leur "vrai" enfant. Il y a là un poids terrible!
Au final : l'abandon ne tue pas. Il ne m'a pas tué. J'ai conservé la vie. Cette vie me vient de mes géniteurs. Que je sache, ma mère ne m'a pas noyé quand je suis né, elle m'a juste mis dans un orphelinat. Et ce n'est pas pareil. Ce qui veut dire que mes parents adoptifs ne m'ont pas donné la vie. Il m'ont donné beaucoup, tout le reste en fait, mais pas le principal : la vie. Ce qui, certes, minore leur apport, et cesse de flatter leur désir d'enfant biologique. Mais c'est la vie.
Résultat ? Je ne vis plus l'abandon comme une "mort", et l'adoption comme une résurrection. Puisque je ne suis pas mort dans l'abandon, alors je n'en souffre plus. L'abandon cesse d'être cette perte irreparable et terrible que je croyais. Je n'y ai pas perdu autant que ce que je croyais. De plus, je cesse d'être dépendant de l'autre : je n'ai plus besoin de son amour et de sa présence pour croire que je vis. Je vis de toute façon, j'existe de façon autonome, quoique fasse l'autre envers moi.
Conclusion :
Abandon/adoption = double dette : une dette de vie envers les géniteurs, et le reste aux parents adoptifs. Je me contente de ce que mes géniteurs m'ont donné (malgré eux!), la vie. Quant aux parents adoptifs, c'est un bonus, c'est la vie qui m'a (vous a) souri. Chaque chose à sa place. Il ne faut pas tout mélanger. Je ne vais plus chercher les choses où elles ne sont pas !
Bon, c'était un peu embrouillé peut être, mais j'espère que ça vous aura parlé.
Bonne soirée,
Nicolas."
* * *
-> Lost in Translation.
This post is in regards about the Mother of My Heart. The one that I treasure the most. The one who knew me way back when. And the one who understood me with an unselfish heart.
The Rice Bowl Diaries. August 13,2008.
-> The search for one's roots.
New Ontario law gives adoptees the right to information about their past
The Hamilton Spectator. Paul Zadvorny. August 11, 2008.
-> L'origine en héritage. Sylvia Nabinger, psychothérapeute.
Abandon & adoption. 16.05.2008.