Comme lors de l'édition précédente, une des séquences les plus intéressantes (et les plus animées) de l'événement FinTech R:Evolution 2022 était consacrée à l'assurance, à travers une réflexion sur le parallèle susceptible d'être établi à quelques années d'intervalle entre la trajectoire des jeunes pousses du secteur et celle des néo-banques.
D'emblée, le débat paraissait plutôt déséquilibré puisqu'il mettait en présence un (seul) dirigeant de startup – João Cardoso, fondateur de Lovys, heureusement très combatif – face à trois représentants de l'industrie traditionnelle – Jonathan Denais, pour Open CNP, relativement neutre par sa position au cœur de l'innovation, surtout en comparaison d'Arthur Dénouveaux, pour Covéa Affinity et MMA, et Aurore Gaspar, pour le volet bancaire, du côté de Société Générale (et, auparavant, de Boursorama).
Il n'aura pas fallu attendre longtemps dans les échanges pour comprendre combien le sujet retenu était pertinent. Ainsi, les premières piques fusaient autour de la dénomination « néo-assureur », alors que, dans la plupart des cas, les trublions ne sont que des intermédiaires (agents ou courtiers), et ne portent pas en propre les contrats qu'ils distribuent. Le même débat a agité les néo-banques il y a quelques mois et il en ressort toujours que ce qui compte est la perception du grand public et non la réalité technique.
Au-delà de cette entrée en matière anecdotique, le reste de la discussion révélait, avec un relief de plus en plus prononcé, le fossé insondable qui sépare – initialement dans l'univers bancaire puis, progressivement, dans l'assurance – la transformation essentielle que cherchent à introduire les nouveaux entrants, notamment en matière d'expérience client, de ce qu'en retiennent les institutions historiques, qui reste désespérément circonscrit à une démarche de dématérialisation des processus existants.
Concrètement, si tous les « anciens » s'accordent à souligner l'influence qu'exerce sur leurs stratégies l'émergence de la FinTech, ils parlent avant tout de leurs efforts destinés à donner aux utilisateurs une totale autonomie dans leurs parcours, avec une ergonomie optimale. En arrière-plan, subsiste chez eux l'idée d'une dichotomie entre une relation de confiance, plus coûteuse, avec un interlocuteur humain, et sa déclinaison numérique, implicitement plus hasardeuse, dont les prix bas constituent le principal avantage.
João Cardoso est contraint de remettre les pendules à l'heure, en rappelant que la proximité avec le client est aussi possible à distance. À titre d'illustration, il évoque l'obligation pour ses collaborateurs, quelle que soit leur fonction, de tenir des conversations régulières avec des assurés, de manière à ne jamais perdre le contact avec le terrain, dans tous les métiers et pas seulement chez les vendeurs. Autre exemple, il voit Lovys en plate-forme de protection là ou ses antagonistes ne pensent que « produit ».
Dernière observation, potentiellement pessimiste, d'une tendance similaire entre les néo-banques et les néo-assureurs, la création, le développement et le succès d'un modèle véritablement innovant, qui ne se contente pas de gratter la surface du changement, requièrent des investissements conséquents, même s'il n'est pas nécessaire pour y parvenir de détenir une licence pleine (avec ses exigences de capital). Il n'en était pas question jeudi mais la remarque s'applique également aux acteurs en place…