Attention, ceux et celles qui n’ont pas encore lu la série et veulent la découvrir ne doivent pas lire ce billet pour éviter d’être « spoilés » ! La présentation de l’éditeur en dit beaucoup mais cela m’évite de devoir faire un résumé
Présentation de l’éditeur :
Mars 1942. Polly et Clary, les deux cousines encore enfants dans Étés anglais et qui, adolescentes, avaient la part belle dans À rude épreuve, ont aujourd’hui dix-sept ans et n’aspirent qu’à une chose: échapper à l’étau familial en quittant Home Place pour Londres.
Polly est encore sous le choc du décès de sa mère, Sybil, qui a succombé au cancer qui la rongeait. Clary, dont le père Rupert n’a plus donné signe de vie depuis le mot apporté par un soldat français, est sur le point de perdre espoir. Au chagrin des deux héroïnes s’ajoute la frustration face au silence borné du clan Cazalet: les adultes se refusent à parler des choses graves, et continuent de les considérer comme des enfants.
À quel modèle les deux jeunes filles peuvent-elles bien s’identifier ? Leur cousine Louise abandonne sa carrière d’actrice pour devenir mère de famille. Leur tante Rachel est à ce point dévouée à ses parents qu’elle laisse s’éloigner sa précieuse amie Sid. Et pendant que Zoë, la belle-mère de Clary, s’éprend d’un Américain, les in délités d’Oncle Edward à l’égard de Tante Villy menacent de tout faire voler en éclats.
Malgré les sirènes et les bombardements, Londres est toujours plus attirante que Home Place, où règnent un froid glacial et une atmosphère de plomb.
J’ai retrouvé mes amis et amies de papier, les Cazalet, en plein milieu de la seconde guerre, des années où l’espoir de voir la fin de la guerre est bien mince jusqu’aux années 1944-1945 et la libération progressive du joug nazi. Cette fois, Elizabeth Jane Howard alterne les chapitres entre la famille et les aînées des petites-filles, Polly, Louise et Clary. Elles sont toujours aussi émouvantes, Polly qui doit surmonter le deuil de sa mère, Louise mariée à Michael Hadley et qui ne se rend pas compte à quel point elle est désormais prisonnière de ce mariage, qui peine à trouver un sens à sa vie (elle m’a beaucoup touchée, Louise, elle subit des choses d’une grande violence), Clary qui va de l’avant mais garde secrètement l’espoir que son père reviendra de la guerre. Polly et Clary vivent aussi leurs premières émotions amoureuses.
Pendant ce temps, les adultes continuent à subir la guerre avant l’incertitude liée à la liberté retrouvée. Le Brig et la Duche vieillissent doucement, Hugh ne parvient pas à s’arracher au deuil de Sybil, Villy est délaissée par Edouard mais se révèle de plus en plus maîtresse femme, Rachel se dévoue corps et âme à sa famille, négligeant ses propres désirs, Zoé, ne croyant plus au retour de Rupert, tombe amoureuse d’un autre homme. Archie, l’ami de Rupert, revenu blessé, est le confident et le conseiller des uns et des autres, jeunes et adultes, il devient un membre de la famille. Les domestiques sont un peu moins présents dans ce troisième tome mais il y a toujours des personnages secondaires, certains particulièrement marqués par la guerre, qui gravitent autour de la famille et relancent l’intérêt.
L’histoire de cette famille est toujours aussi passionnante et sensible. La condition des femmes à cette époque bouleverse, fâche et laisse espérer à la fois. La fin du roman laisse augurer un tome 4 déjà palpitant. A très bientôt donc, chers amis Cazalet !
« – La guerre a l’art de niveler les hommes, tu sais. Après avoir tous plus ou moins risqué leur peau, les gens ne verront pas d’un très bon œil le retour à un système de classes où la vie de certains compte plus que celle des autres.
– Mais ce n’est pas le cas, si ? Ce n’est pas possible, n’est-ce pas ? Tu crois qu’après la guerre les femmes seront prises au sérieux, alors ?
– Je n’en ai aucune idée. Elles ne sont pas prises au sérieux ?
– Tu sais bien que non. »
« Je continue à écrire ce journal autant pour moi, que pour toi parce que ça m’aide à me souvenir de toi… je veux dire, à mieux se souvenir de toi. Une des difficultés dans le fait qu’il se soit écoulé tant de temps depuis ton départ – deux ans et neuf mois maintenant – c’est que, même si je pense beaucoup à toi, il semble que je me rappelle moins de choses sur toi. Je les récapitule en permanence, mais je n’arrête pas de me dire qu’il y en a d’autres dont je ne me souviens plus. C’est comme si tu t’éloignais lentement de moi à reculons. J’ai horreur de cette sensation. Si c’est ce que les gens veulent dire quand ils prétendent que le chagrin s’atténue, je n’en veux pas. Je veux me souvenir de toi aussi complètement et aussi vivement que le soir où l’homme a téléphoné pour annoncer que tu avais disparu ; autant que quand Pipette a apporté le mot incroyable que tu m’avais écrit et que je garde dans le tiroir secret du bureau que Poll m’a donné. »
« Louise resta allongée à écouter le bruit lointain de la circulation dans Tottenham Court Road. Sa nervosité s’était dissipée. Les infirmières ici paraissaient gentilles et efficaces, quant à l’opération, elle s’en moquait. Il lui semblait même que si elle devait rester sur le billard elle s’en moquerait aussi. Depuis qu’elle avait appris la mort de Hugo, elle perdait un peu les pédales et elle était incapable de se ressaisir. Alors, si un médecin hors de prix la tuait par mégarde, elle serait soulagée des efforts incessants qu’elle devait déployer pour feindre d’avoir des centres d’intérêt, des opinions et des sentiments. Elle était douée pour faire semblant ; c’était, après tout, un simple exercice d’actrice, quelque chose qui devenait pour elle une seconde nature et qui ne portait pas à conséquence, mais une telle comédie exigeait un effort et elle était constamment fatiguée. »
Elizabeth Jane HOWARD, Confusion (La saga des Cazalet III), traduit de l’anglais par Anouk Neuhoff, Quai Voltaire, La Table ronde, 2021