Dans un premier temps il avait donc menacé de fermer le robinet du pétrole, mais il savait que cette menace pouvait lui faire plus de mal que de bien. Alors, magnanime, il n'avait pas mis cette menace à exécution. Il l'avait seulement brandie, puis fait mine d'y renoncer pour mettre de l'huile, dérivée de son pétrole, dans les rouages.
En revanche il sait que les pays occidentaux tremblent dès que l'on touche à l'un des leurs. Il s'était donc saisi de deux cadres helvétiques qu'il avait fait mettre à l'ombre, ce qui en Libye pourrait apparaître comme une mesure clémente compte tenu du climat. Seulement les geôles libyennes ne sont pas des lieux de plaisir et de villégiature recherchés par les touristes, loin s'en faut.
Après dix jours de détention les deux cadres ont été "libérés". Enfin si l'on peut dire. Certes ils ne croupissent plus en prison. Mais bien que libérés depuis quinze jours, ils n'ont toujours pas été autorisés à quitter le territoire libyen. Ils logent dans la prison dorée qu'est l'ambassade helvétique à Tripoli. Ils y sont condamnés à prendre leur mal en patience.
Muammar détient deux autres pièces dans son jeu : le frère et la mère d'un des deux domestiques qui ont porté plainte contre son fils et sa belle-fille. Bien que de nationalité marocaine, ils ont été arrêtés, sont en grand danger, et ne peuvent ni l'un ni l'autre quitter le territoire libyen. Le tyranneau tripolitain a donc un carré d'"otages" dans son jeu, deux Suisses et deux Marocains. Il demande toujours des excuses et l'abandon des poursuites contre Hannibal et Aline.
Il y a huit jours la presse s'est fait l'écho que Berne envisageait de formuler des regrets aux Kadhafi ( ici ). Seulement le peuple suisse ne comprendrait pas que la Suisse baisse ainsi son pantalon devant le tyranneau tripolitain. Du coup Berne a refilé le ballon - qui n'est pas près de se dégonfler - à Genève qui seule pourrait mettre un terme aux poursuites judiciaires contre les Kadhafi juniors.
De retour de vacances, le procureur général de Genève, Daniel Zapelli, (photo ci-dessus) a clairement déclaré aujourd'hui ( ici )qu'il était exclu de classer l'affaire pour des motifs politiques ( voir mon article Affaire Kadhafi : baisser son pantalon en étant dans son bon droit ) et qu'il n'avait subi aucune pression de quelque côté que ce soit. Reste une seule possibilité de dénouement : que les plaignants, un Marocain et une Tunisienne, abandonnent leur plainte. Or ces derniers n'envisageront une médiation que si les frère et mère du domestique marocain sont autorisés à partir de Libye.
Comme je l'ai déjà exposé dans un autre article ( Affaire Kadhafi : trompe-l'oeil du parallèle entre Libye et Suisse ), Muammar Kadhafi a en fait pris l'avantage dans la partie de bras de fer qui l'oppose à la Suisse. Il a tout son temps. Il décidera quand il voudra du sort de ses "otages" et ne les libérera que s'il y a une contre-partie. Peut-être toutefois ne devrait-il pas trop compter sur des excuses. Encore qu'avec Madame Calamity-Rey on ne sait jamais...
Francis Richard