Elle était là dans son histoire, dans sa vie - mais plus du tout pour cet homme.
Elle n'a pas de nom dans l'histoire, non plus que sa fille ou cet homme n'en ont. Ce qui donne à cette histoire au ton singulier une note universelle.
L'homme vient de l'appeler, vingt ans après leur séparation, pour lui demander de lui rendre le Fusil qu'il a prêté à son père après la mort du chien.
Après avoir raccroché, la femme est irritée que lui revienne leur histoire qu'elle croyait finie et dont un objet de mémoire symbolise chaque épisode.
La couverture en donne quelques échantillons. Au lieu d'un titre, qui se trouve dans le sommaire, un dessin épuré comme ceux-là précède les chapitres.
La femme a déjà été mariée. Le fruit de ce premier mariage est à cette époque une fillette. Lors d'une promenade en forêt, l'homme demande à la femme:
Voudrais-tu m'épouser?
L'histoire commence vraiment par cette demande qui laisse la femme coite d'abord, puis à laquelle elle donne son accord, mais sans grande conviction.
Après, leur histoire est celle de bien des couples, excepté qu'au lieu d'alliances, ils ont décidé d'échanger des bracelets en ivoire le jour de leur mariage:
En quoi ce choix était-il menaçant? Certainement par la mémoire d'une mutilation, qu'ils ne percevaient pas mais qui vibre dans tout ce qui se taille en or blanc.
La suite du récit montre que c'était de mauvais augure, même si, p. ex., la femme, en s'installant dans leur nouvelle maison, prend de bonnes résolutions:
Ne pas donner dans la nostalgie. Ne pas établir la liste de tout ce qui avait été raté. Ne plus penser à ce qui faisait l'objet d'oubli volontaire. Ne pas laisser de place à ce qui resurgissait mais dont on ne voulait plus.
La complicité entre mère et fille met du baume au coeur dans cette histoire, dont la fin est connue depuis le début et où l'homme n'a certes pas le beau rôle.
Son fusil, l'homme ne le récupérera pas. Il faut attendre l'épilogue pour savoir si la femme l'a bien liquidé avec les affaires de la maison, quinze ans plus tôt.
Francis Richard
Fusil, Odile Cornuz, 160 pages, Éditions d'en bas
Livre précédent:
Ma ralentie, 160 pages, Éditions d'autre part (2018)