Cailloux
le temps les donne je
les ramasse
un ( ) lequel
n’est presque plus rien
mais pauvre que
la main les pèse.
Cailloux le temps
les donne je les
ramasse (un) lequel
n’est presque plus rien
mais pauvre Cailloux le
que le temps des donne
je les ramasse un
la main les pèse (lequel) n’est presque
plus rien mais
pauvre que
la main les pèse.
in Comme un poème encore, 1975, p. 17
Aussi pauvre et simple compliqué riche qu’une
patate : elle est une forme un poids qui rassem-
blent dans mon cœur la dérision de souvenirs
intimes avec – je voudrais dire merveille ou pré-
sence, et ce n’est que le mot patate
in Patate, p. 27
*
La présence de tissu dans le paysage
Prévient que des gens sont là, pas loin.
Ou que d’autres sont passés.
Chiffon roulé qui n’a plus de forme, torchon propre sur des buissons :
Le monde, qu’il s’habille ou se dévête, toujours
Se montre nu
(p. 61)
*
Dans le pré (un vieux pâtis au-delà du puits,
Piquets, barbelés sur un côté,
Buissons, des ormeaux courts, pour le reste)
Les draps mis dans le vent
Mouvementaient le ciel, on avait
De grandes idées de partir – mais bientôt
Maman ramassait tout, pliait, rangeait
C’était plus qu’une armoire fermée dans la chambre.
(p. 63)
in Tissus mis par terre et dans le vent, 2010.
Quel tissu pour à la fin
Envelopper mon poème, faudrait
Un peu de ce torchon blanc cousu
Comme les Italiens font pour mettre à la poste
De gros colis de choses du pays
Qui vont s’en aller par exemple
Vers les États-Unis.
Mais là sur le papier c’est que dans le mot tissu
Que ma poésie
Se trouve enveloppée – ma poésie
Comme assez du vide à l’intérieur des mots, ou si
Elle est ce geste d’énergie
Qui te lance un paquet lecteur, les mots si mal cousus ...
Tire pas trop ! sur d’improbables ficelles de sens
T’aurais tout qui s’en va, que
Du tissu déchiré dans les mains
in Envoi au lecteur, p. 127
James Sacré, Une rencontre continuée, préface de Bernard Chambaz, coll. Poche / Poésie, Le Castor Astral, 2022, 202 p., 9€.
Sur le site de l’éditeur :
James Sacré a remonté le fil des années et a réuni des poèmes presque oubliés ainsi que de nombreux inédits pour composer Une rencontre continuée.
« Son mot est frais, végétal, sensuel. Sa poésie est fondamentale, sereine, bien enracinée. »
Jean Cayrol
« La langue est poussée dans ses retranchements, ses limites, sans devenir obscure ou illisible.
En cela, Sacré pourrait être un exemple de poète expérimental clair. »
Antoine Emaz