La dernière anthrevue avant la fin du monde (6)

Par Darkstein

Revenue d’une cure de désintoxication et sous son vrai nom de plume, Marylin Tervioux aka Stein, reprend le flambeau des entrevues sous pour, nous l’espérons, une série pas piquée à Anne Thon !

Et l’on commence avec un groupe mythique de la scène pagan française, j’ai nommé Nydvind, en la personne de son fondateur, Richard Loudin qui a bien voulu se prêter au jeu avec une bonhommie naturelle que ça fait plaisir.

Stein : Richard bonjour, tout d’abord pouvez-vous présenter en quelques mots Nydvind à mes lecteurs ?
Richard : Bonjour Stein, j’ai créé Nydvind en 2000 à Paris. C’était pour moi à l’époque guidé par l’envie d’élargir mon champs d’expression musical, au-delà de mes 2 groupes du moment : Bran Barr et Despond. Ces 2 groupes étaient très différents, l’un était quand même très agressif et « celtisant », tandis que l’autre avait évolué vers un doom très lourd, quasi funeral. Or, j’avais toujours une affection particulière pour la scène extrême nordique, et plus précisément les groupes d’inspiration viking ou pagan : Kampfar, Enslaved, Primordial, Immortal, etc. J’étais donc motivé par l’idée de fonder un nouveau groupe où je pourrais exprimer cette double envie de parler du Grand Nord et de l’exprimer dans une musique hybride entre le pagan/black et le doom. C’est comme ça que Nydvind est né. Dans l’idée de créer une musique pagan metal plus atmosphérique que celle de Bran Barr et surtout beaucoup plus focalisé sur le thème du Nord, dans son sens le plus global.

Stein : Si les deux premiers albums semblent faire écho au viking metal de Bathory, le dernier opus en date est un hymne à ces navigateurs qui affrontaient les immensités océanes à la découverte de nouveaux continents, tout en gardant une ligne musicale immédiatement identifiable et une production très soignée. Qu’est-ce qui a inspiré ce changement narratif ?
Richard : Comme je l’expliquais dans ma réponse précédente, Nydvind a été créé dans l’idée de faire de la musique Pagan metal consacrée au Grand Nord. Ce concept était très marqué sur notre premier album, « Eternal Winter Domain » le bien nommé ! Mais, à l’opposé d’autres groupes de Pagan ou de black qui n’ont pas forcément su se renouveler dans leurs thèmes, nous avons rapidement compris que nous ne ferions pas toute notre carrière en parlant uniquement de montagnes enneigées et de glaciations éternelles… (Rires.) Du coup, c’est assez naturellement que nous avons envisagé de nous renouveler, et c’est dans cette idée que nous est venue l’idée de travailler sur une tétralogie autour des quatre Eléments de la Nature. Partant de cette idée, nous avons élaboré un projet : les 4 prochains albums de Nydvind allaient successivement aborder les 4 Eléments : l’Eau, la Terre, l’Air et le Feu. C’est ainsi que nous nous sommes mis au travail sur notre 3ème album qui donc initiait la tétralogie avec l’élément de l’Eau.

Notre 1er album est globalement celui qui a le plus marqué les esprits… bien qu’évidemment, il est loin d’être parfait techniquement. j’ai tout fait moi-même sur un matériel assez rudimentaire (un PC assez peu équipé et une boite à rythme un peu pauvrette…) mais les compositions ont permis à cet album d’avoir un vrai statut sur la scène pagan internationale.

Notre 2nd album est beaucoup plus pro, mieux composé et mieux produit… les 2 titres fleuves (« Sworn to the Elders » et « The Godless ») ont été composés par Loïc, notre 2ème guitariste de l’époque et leader d’Heol Telwen. Il était bien meilleur que moi et cela s’entend sur ses 2 chansons. Et quant à notre 3ème album, c’est cette fois-ci Nesh (guitare et basse) qui s’y est collé ! Il a son style bien à lui et cela s’entend, car ses chansons sont assez différentes des miennes.
A ce titre d’ailleurs, ton commentaire sur la chanson « Sea of Thalardh » comme quoi elle était en dessous du lot, m’a fait sourire… car figure-toi que c’est la toute première chanson que j’ai composée pour Nydvind, et elle évidemment plus « naïve » que toutes les autres… c’était même au départ un peu fait exprès, j’avais en tête de pondre un morceau 100% viking folk un brin cliché, et c’est ce qui s’est passé ! sauf qu’avec le temps, ce morceau a fini par me coller à la peau et il est sorti en 2018 alors qu’il a été composé en… 2000 ! tu imagines ?

Stein : Comment se partage le processus créatif ?
Richard : Concernant les concepts et les textes, je prends en général l’essentiel de cette partie. Même si le principe de la tétralogie fut partagé entre les différents membres du groupe, c’est plutôt moi qui me charge d’écrire les textes. Pour ce qui est de la musique, c’est beaucoup plus ouvert. Chacun dispose d’un champs d’expression comparable au sein du groupe, il n’y a pas de hiérarchie. En revanche, nous avons toujours eu pour habitude de composer nos chansons plutôt de façon individuelle, de telle sorte que chacun propose aux autres membres un titre à peu près complet de A à Z. C’est ensuite qu’on se met ensemble au travail pour peaufiner et réarranger le morceau, en fonction des idées et propositions de chacun.

Stein : Pourquoi le chant en anglais ? Pas en français, en breton ou dans un dialecte qui collerait à votre univers ?
Richard : Contrairement à pas mal d’autres groupes français, notamment dans la scène black/pagan, nous n’avons jamais pensé à chanter en français chez Nydvind. J’ai toujours préféré utiliser l’anglais, en tant que chanteur, même si je reconnais qu’en tant que parolier et auteur, cela me pose quelques limites. Il m’est déjà arrivé d’écrire quelques textes en français, mais je n’ai jamais vraiment été à l’aise à l’idée de chanter en français. Peut-être par pudeur, qui sait ? C’est bien possible… D’ailleurs, je n’aime pas écouter du métal chanté en français. Je ne saurais trop dire pourquoi, mais je trouve peut-être peu trop revendicateur, voire vindicatif par moment, en tout cas pour mes oreilles. Un chant extrême qui hurle des paroles en français, ça n’a jamais été ma tasse de thé.

Stein : Est-ce que les évènements traversés ces dernières années (COVID-19, guerre en Ukraine, scandales sanitaires divers, variole du singe, élections présidentielles …) ont influencé l’écriture de l’album à venir – ou vous ont inspiré pour des projets alternatifs ?
Richard : Je trouve cette question amusante, mais elle est pertinente ! Évidemment que non, aucun de ces événements, ni aucun autre événement lié au monde réel et à la société actuelle n’influence la création de Nydvind. Nydvind est un projet musical qui peut se résumer un 3 mots : Nature, Paganisme et Évasion. De fait, nous puisons l’essentiel de notre inspiration dans nos propres cheminements personnels vis-à-vis de la Nature et, dans une moindre mesure, dans notre imaginaire et notre approche du paganisme. Nous voyons Nydvind comme un moyen de nous échapper du monde réel, en tout cas de la société dans laquelle nous vivons. Notre rapport à la Nature est finalement très simple et organique, et c’est cette connexion qui nous porte dans notre créativité. Les événements du monde moderne n’impactent en aucun cas notre expression artistique. Cela pourrait être le cas si nous avions des projets parallèles, ce qui fut le cas il y a plusieurs années. Mais ça n’est plus du tout le cas aujourd’hui.

Stein : Richard Loudin, sans la musique, qui est-il ?
Richard : Un individu qui a su trouver un bon équilibre entre sa vie d’artiste et sa vie d’homme. Sans rentrer dans les détails de ma vie personnelle, je dois dire que la musique est une pierre angulaire de mon existence, à un rythme d’ailleurs assez irrégulier. Elle occupe aujourd’hui un partie assez faible de mon temps, mais elle est toujours présente… et notre projet de tétralogie, que je m’amuse souvent à comparer à un plan de carrière sur 10 ans, me rappelle que la musique, et Nydvind en particulier, va forcément impacter et rythmer ma vie encore pendant de longues années.

Stein : Y a-t-il sur la scène actuelle des groupes (tous genres musicaux confondus) qui vous enthousiasment, vous touchent ?
Richard : Absolument pas. Et c’est cocasse de le dire, mais je n’écoute aucune nouvelle production. En lisant pas mal d’interviews de musiciens de metal, je constate que je ne suis pas le seul. En fait, je suis bien trop occupé pour m’intéresser à la nouvelle scène metal. Je n’accorde pas de temps à cela. Et forcément, comme beaucoup d’autres, je me concentre sur mes fondamentaux, à savoir la scène des années 80 à 2000. Et cela me suffit amplement. Il peut toutefois m’arriver de tomber, presque par hasard, sur un groupe que je ne connaissais pas et d’y trouver un intérêt. Mais c’est tellement rare que cela en devient anecdotique.

Stein : Quelles ont été vos influences au cours de votre carrière artistique ?
Richard : J’ai en grande partie répondue à cette questions en début d’interview. Et concernant Nydvind, je confirme : ce sont surtout des groupes comme Kampfar, Primordial, Enslaved et Empyrium qui m’ont donné envie de m’engager dans cette approche musicale. Étant à la fois amateur de black et de doom, il me fallait trouver un moyen de les concilier dans un même projet musical. Et ce qui donne à Nydvind toute sa personnalité, car je pense que nous sommes assez différents des autres groupes de la scène Pagan metal. En tout cas, j’ai plutôt l’habitude de le lire, et cela me conforte dans l’idée que nous avons réussi à trouver notre propre voie.

Stein : Pour finir, Richard Loudin en portrait chinois :

Si vous étiez un single ?
R : Single Malt

Si vous étiez un personnage historique ?
R : William Wallace
(NDS : principale figure de la résistance écossaise contre l’Angleterre au XIIIe siècle)

Si vous étiez un personnage de fiction ?
R : Le guerrier Viking Amleth, du film « The Northman »

Si vous étiez une bière ?
R : Beamish 
(NDS : Stout Irlandaise)

Un haïku qui vous définit le mieux ?
Le vent m’appelle
Il me porte vers les cimes
Où l’éternité m’attend

Stein : Merci de vos réponses !
Richard : Merci à toi pour l’intérêt que tu portes à Nydvind !

Discographie

2003 – Eternal Winter Domain
2010 – Sworn to the Elders
2018 – Tetramental I – Seas of Oblivion

Photo : Nydvind – October 2016 – ©MashaMosconi Maria Mosconi

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