Loin d'atteindre l'équilibre comme sa génitrice l'envisageait en 2020, la néo-banque pour les particuliers de Goldman Sachs devrait afficher cette année une perte dépassant le milliard de dollars. De quoi entretenir les spéculations sur sa fermeture prochaine. Mais comment l'aventure, entamée il y a six ans, a-t-elle pu prendre aussi mauvaise tournure ?
Le concept d'origine paraissait pourtant extrêmement prometteur, surtout émanant d'un établissement qui n'avait aucune activité antérieure sur le marché du grand public et présentait donc l'immense avantage de partir d'une feuille blanche. Il s'agissait de bâtir une offre composite mettant à la disposition du client une vaste gamme de produits, en provenance de différents fournisseurs, susceptible de s'ajuster à ses besoins spécifiques. En somme, la « banque en plate-forme » tellement à la mode aujourd'hui.
Malheureusement, la vision initiale a été progressivement perdue de vue. Certes, le catalogue de Marcus s'est enrichi au fil du temps (quoique parfois avec des solutions décevantes). Mais il ne suffit pas d'accumuler une collection de services financiers sous une enseigne commune pour constituer une proposition de valeur distinctive. Le résultat d'un tel assemblage, qui relève de la place de marché basique, est, au mieux, l'équivalent d'une banque traditionnelle et, au pire, trop hétéroclite pour séduire.
Faute d'arguments originaux, c'est une technique classique qui a été retenue afin de conquérir les consommateurs : un taux d'intérêt extraordinairement attractif sur les comptes d'épargne. Si l'artifice a réussi à attirer 13 millions de clients (un score plus qu'honorable), il ne les fidélise aucunement et ne profite pas à un développement global. En revanche, il représente un coût monumental, insupportable à terme, qui aurait alerté depuis longtemps sur la viabilité de l'approche… si elle était l'œuvre d'une startup.
Une stratégie de ce genre aurait été efficace, et peut-être rentable, si le produit d'appel avait constitué un point d'entrée évident et transparent dans l'univers étendu de Marcus. Dans cette perspective, il fallait élaborer une véritable plate-forme (selon le sens que j'attribue à ce terme), cohérente et homogène, dont les multiples composantes ne se contentent pas d'être juxtaposées mais sont intimement agencées, intégrées et orchestrées dans le but exclusif de répondre aux attentes de chaque utilisateur.
Le meilleur moyen de mettre en place cette expérience optimale consiste à faire de l'espace d'agrégation une plaque tournante de conseil personnalisé, dans une démarche d'accompagnement rapproché du client. Se transformant de la sorte en substitut à la banque traditionnelle, qui a abandonné cette part essentielle de ses métiers historiques, et procurant un avantage concurrentiel unique, elle représente en réalité la seule justification possible et viable au modèle rêvé de « banque en plate-forme ».