Vous ne l’avez probablement pas entendu (ou pas assez) mais tout un continent vient de pousser un « ouf » de soulagement : enfin, les chargeurs de smartphone vont être standardisés en Union Européenne !
C’est une véritable victoire que vient ici de signer le Parlement européen en imposant le chargeur unique pour smartphones d’ici l’automne 2024 : partant du constat affreux que des tonnes et des tonnes de chargeurs inutiles ou incompatibles (on évoque 11.000) sont produits chaque année et achetés par les consommateurs pour leurs téléphones portables, le Parlement européen a fermement décidé qu’ils devraient dorénavant tous être compatibles.
On admirera le timing particulièrement à-propos de cette nouvelle législation.
Il faut en effet être resté coincé au début des années 2000 pour ne pas avoir noté qu’à présent, tous les smartphones vendus le sont avec des chargeurs interchangeables sur lesquels on peut se brancher avec des câbles USB traditionnels et dont la prise côté appareil est soit au format USB micro-B ou au format micro-C, des adaptateurs de l’un vers l’autre existant aussi sur le marché. Autrement dit, à l’exception du connecteur spécifique Apple (et encore, celui-ci est amené à disparaître aussi au profit du standard), tous les appareils qui sortent actuellement sont compatibles entre eux puisqu’ils sont tous, très majoritairement, en USB de type C.
Eh oui : petit-à-petit, tous les constructeurs ont eux-mêmes trouvé tout l’intérêt de converger vers une même norme. Depuis les gains de productivité permettant de s’approvisionner en connecteurs et en chargeurs à des entreprises spécialisées et génériques dont la production de masse sera vite rentabilisée, jusqu’au besoin de coller aux demandes des clients qui, eux-mêmes, ont bien compris tout l’intérêt d’avoir toujours les mêmes connecteurs partout pour recharger leurs appareils où qu’ils se trouvent, le marché s’est rapidement adapté aux demandes des consommateurs et contraintes des producteurs… Sans législation, et sans coercition.
On assiste ici exactement au même phénomène qu’on a pu observer ailleurs, comme l’illustre fort bien la standardisation massive des conteneurs de paquebots ou la largeur des rails de chemin de fer : l’intervention d’un législateur est au mieux inutile, au pire gênante.
Les chargeurs de téléphonie n’échappent pas à la règle ; les beaux efforts législatifs du Parlement européen interviennent fort tard dans le processus déjà enclenché de standardisation des adaptateurs et provoque déjà, comme on peut s’y attendre, quelques pénibleries administratives : les constructeurs vont devoir prouver qu’ils sont à un standard qu’ils ont déjà adopté (ce qui est une perte de temps et d’argent ridicule). Quant à Apple, seul fabricant réellement résistant, la firme californienne va devoir modifier ses process industriels pour s’adapter en Europe à cette nouvelle donne alors même que le consommateur avait déjà fait le choix de suivre ses productions telles quelles.
Au-delà de cette petite vendetta contre Apple assez typique du Parlement européen, on peut s’interroger sur l’impact de cette législation en terme d’innovation : que va-t-il se passer lorsque, dans quelques années ou quelques décennies, le connecteur USB-C sera complètement dépassé et qu’il constituera plus un handicap qu’un avantage ? Doit-on attendre le législateur et l’évolution de ses opinions et de ses lois en espérant que cela ne provoque aucun retard technique ? Pari osé.
Au-delà de cette question essentielle que, du reste, bien peu se posent, on peut en poser une autre, plus prégnante encore : dans le contexte actuel, le Parlement n’a-t-il pas de plus importants problèmes à gérer ?
Ainsi, il apparaît de façon maintenant évidente que la Commission européenne a passé un troisième contrat pour 1.8 milliards de doses de vaccin COVID avec des prix par dose passant soudainement de 15€50 à 19€50, positionnant l’ensemble du contrat à 35 milliards d’euros au total, pour un vaccin dont on peut légitimement remettre en cause l’utilité globale et ce, sans réellement suivre le protocole nécessaire de passage de marché public et de négociations transparentes et fiables.
Certes, des petits couinements plaintifs ont été vaguement entendu dans ce Parlement mais où en est l’enquête complète ? Nulle part. On s’étonne qu’il passe alors autant de temps à réguler les petits chargeurs de téléphones et aussi peu à tenter de mettre de l’ordre dans les prérogatives que s’auto-accorde la Commission…
Ainsi, la situation en Ukraine est maintenant des plus périlleuse et l’envoi d’armes, alimenté par des fonds européens (au titre de la « Facilité européenne pour la paix », sans rire) ne semble déclencher aucune question de ce même Parlement alors même que tout ceci nous approche tous les jours un peu plus d’une escalade nucléaire et que toutes les autorités compétentes semblent résolument certaines que parler de paix est une infâmie. Dans ce tableau, le Parlement qui représente le peuple ne semble ni consulté ni même préoccupé. On pourra difficilement se consoler en se disant que les 11.000 tonnes de chargeurs incompatibles seront peut-être vaporisés par le feu nucléaire.
Pire encore : la situation énergétique est tendue au point que l’Allemagne semble au bord du gouffre économique et va probablement demander à son peuple de pédaler pour remplacer les réacteurs nucléaires fermés et les turbines à gaz sans gaz. Mais là encore, personne ne semble vouloir remettre en cause l’Agenda verdoyant pour 2030 alors même que le fiasco énergétique est maintenant visible de tous.
Tout ceci entraîne (assez logiquement) un effondrement de l’Euro et de la zone bancaire mais devant cette catastrophe, le Parlement légifère sur des chargeurs déjà compatibles et reprend deux fois des nouilles à la cantoche.
En somme, l’Europe se félicite d’une mesure croupion typique, frétille d’aise d’être parvenu à imposer une décision qui n’a d’ailleurs pas eu besoin d’elle pour s’imposer doucement
et elle le fait quasiment au plus mauvais moment, celui où il est absolument nécessaire d’avoir une voix forte, une représentation solide des peuples et de leurs opinions alors que les crises s’accumulent.
Derrière cette standardisation anecdotique, on peut comprendre que l’Union européenne n’est plus rien d’autre qu’un exercice de style. Et le style du moment c’est le retour à la misère.
Pardon : « la sobriété subie ».
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