Il faut accompagner la recherche de Sonia Devillers, au-delà de ce qu’ont dit ou plutôt tû les grands parents, dans les travaux des historiens, les aveux de ceux qui ont fui le pays emportant des documents terribles, une recherche qui ne se limite pas à un territoire aujourd’hui dans l’Union Européenne et dont le passé, marqué par une xénophobie et, plus particulièrement, un antisémitisme, féroces, surgit dans ce livre. C’est tout le vingtième siècle qu’explore cette petite-fille de juifs qui ne se désignaient pas comme tels mais qu’on a traités ainsi. La Roumanie après la guerre 1914-1918, puis pendant les années 1940, et plus tard sous le régime communiste, a éliminé les juifs soit en les massacrant, soit en les vendant, au prétexte de préserver une sorte de race roumaine pure. Le livre est précis sur les chiffres et les méthodes et terrifiant. S’il révèle des pans d’histoire souvent méconnus, il soulève de nombreuses questions : que vaut la vie ? qu’est-ce que l’échange de vies contre de l’argent ? Il s’agit d’abord de la Roumanie, sans doute, mais comment se fait-il que tout ceci ait été si longtemps caché ? Comment la mémoire joue-t-elle à édulcorer certains souvenirs ? Aussi terrifiante qu’elle puisse être, cette lecture ouvre de nouvelles pistes de réflexion sur les aberrations où s’est englué le vingtième siècle en Europe et dont nous ressentons encore aujourd’hui les effets.