" Nous appelons le régime de Kiev à cesser immédiatement le feu et toutes les hostilités ; à mettre fin à la guerre qu'il a déclenchée en 2014 et à revenir à la table des négociations. Nous sommes prêts pour cela, comme nous l'avons dit plus d'une fois. Mais le choix des habitants de Donetsk, Lougansk, Zaporijjia et Kherson ne sera pas discuté. La décision a été prise, et la Russie ne la trahira pas. Les autorités actuelles de Kiev doivent respecter cette libre expression de la volonté du peuple ; il n'y a pas d'autre moyen. C'est la seule voie vers la paix. Nous défendrons notre terre avec toutes les forces et les ressources dont nous disposons, et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour assurer la sécurité de notre peuple. C'est la grande mission libératrice de notre nation. " (Vladimir Poutine, le 30 septembre 2022 au Kremlin).
Coïncidence des agendas ce vendredi 7 octobre 2022, le Président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine atteint son 70 e anniversaire le même jour que l'attribution du Prix Nobel de la Paix pour l'année 2022.
Si l'on en croyait les poutinophiles, Poutine aurait tous les atouts pour se voir récompenser : il serait prêt à arrêter la guerre en Ukraine si les Ukrainiens étaient prêts à reconnaître l'annexion des quatre régions du Sud et de l'Est de l'Ukraine. Ils seraient même prêts à insulter ceux des Ukrainiens, nombreux, qui veulent résister contre l'occupant russe, les traiter de va-t-en-guerre, ce qui est quand même une inversion des rôles : les Ukrainiens n'ont jamais rien eu contre la Russie, mais s'ils veulent encore exister, il faut bien qu'ils se défendent. Peut-être d'ailleurs allons-nous assister à la transformation de l'opération militaire spéciale en opération anti-terrorriste ?
Bon, évidemment, mon titre est provocateur, car s'il y a bien un personnage de la planète qui est le plus susceptible de provoquer une guerre thermonucléaire effroyable, c'est bien aujourd'hui Vladimir Poutine et personne d'autre. Ses exactions en Tchétchénie, en Syrie, et maintenant en Ukraine ont montré que seul, le rapport de forces fonctionne avec lui et tous ceux qui se sont couchés devant lui, lui ont donné quitus de continuer dans sa quête névrotique de la Grande Russie éternelle qui n'a rien de soviétique.
Au contraire, le Comité Nobel a récompensé l'année dernière du Nobel de la Paix 2021 le journaliste russe Dmitri Mouratov, rédacteur en chef de la "Novaïa Gazeta", seul journal à audience nationale vraiment indépendant, depuis 1995 et en lutte pour la liberté de la presse et les droits de l'homme en Russie (partagé avec la journaliste philippino-américaine Maria Ressa). Lorsque ce dernier l'a appris, il a dédié son Prix à ces nombreux journalistes de son journal assassinés pour avoir voulu connaître certaines vérités en Russie, en particulier Anna Politkovskaïa, et a affirmé que personnellement, il aurait voté pour l'attribuer à l'opposant Alexeï Navalny. Alors que le Prix Nobel lui a attribué une somme d'environ un demi-million de dollars, Dmitri Mouratov a vendu sa médaille du Nobel aux enchères au printemps 2022 pour plus de 100 millions de dollars pour apporter de l'aide aux enfants déportés d'Ukraine à cause de la guerre.
La paranoïa de Poutine contre un invisible "Occident" alors que le peuple russe dans sa grande majorité se reconnaît de ce style de vie depuis une trentaine d'années, a été nourrie par une pression nationaliste intérieure croissante. Il faut considérer quelques fautes de faiblesse principalement de la part des États-Unis, d'une part en août 2013, lorsque la Syrie a franchi la ligne rouge avec les armes chimiques et qu'il n'y a eu aucune réaction, d'autre part, en août 2021, lorsque l'armée américaine a déserté l'Afghanistan au profit des talibans. Entre-temps, Poutine a annexé la Crimée comme une lettre à la poste, en mars 2014, et à part quelques vaines protestations, et quelques sanctions ciblées personnellement, personne n'avait vraiment réagi.
Dmitri Vrubel.
En envahissant volontairement l'Ukraine le 24 février 2022, Poutine imaginait deux choses : d'une part, que son armée pourrait entrer dans les rues de Kiev en quelques jours et renverser le régime au profit d'un nouveau Président fantoche à l'image de la Biélorussie, d'autre part, que les dits "Occidentaux" ne réagiraient pas, comme lors de la Crimée. Le changement d'objectifs en finalement se "contentant" du Sud et de l'Est de l'Ukraine qu'il a voulu annexer ne répond pas à ses erreurs stratégiques initiales : surtout les États-Unis et l'Europe ont réagi très sévèrement, très fermement et très solidairement, par des sanctions très fortes et immédiates (qui nécessairement font effet sur l'économie russe) et par une aide militaire totale à l'armée ukrainienne. Enfin, les démocraties se sont réveillées ! Et Poutine a redonné un sens à l'OTAN, plus que jamais nécessaire face à des voisins belliqueux.
Aujourd'hui, toute la question réside dans le seul atout que détient encore Poutine, puisqu'il n'a plus la puissance de la force armée conventionnelle (la contre-offensive ukrainienne montre à quel point les lignes de commandement russes sont dans un sale état). Cet atout, qu'il partage avec un peu moins d'une dizaine de nations, c'est l'arme nucléaire. Se servira-t-il d'une bombe nucléaire tactique pour tenter de reprendre du terrain en Ukraine ?
La raison apporterait une réponse négative. D'abord, parce qu'il faudrait bien trouver une cible, et quelle cible choisirait-il sans anéantir sa propre armée et sans rendre inexploitable les territoires qu'il revendique depuis leur annexion. Ensuite, parce que les États-Unis ont été très clairs sur cette question : quelle qu'en soient les circonstances, les Américains répliqueraient. Ils ne répliqueraient d'ailleurs pas forcément avec des moyens nucléaires mais conventionnels contre la Russie. Et les supposés alliés neutres de la Russie (la Chine, l'Inde entre autres) commenceraient sérieusement à s'inquiéter.
Mais on voit bien que depuis au moins le 24 février 2022, la raison n'a plus cours au Kremlin. Ou alors, c'est une raison consécutive à un analyse erronée de la réalité. C'est là le danger. Poutine n'est pas fou, bien sûr que non, mais il se sent humilié par les défaites de la guerre qu'il a lui-même provoquée. Il démontre à la planète entière que la Russie n'est qu'une faible puissance militaire sans ses ogives nucléaires, au point que même l'Ukraine est capable de l'écraser.
Alors, abandonnons le Nobel de la Paix, peut-être à Volodymyr Zelensky, pourquoi pas ? Et replaçons l'église au centre du village : attribuons à Poutine plutôt le Prix Nobel de la Guerre !...
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Sylvain Rakotoarison (02 octobre 2022)
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