Proposer un service d'identité numérique aux consommateurs : voilà une de ces idées, a priori évidentes, qui reviennent régulièrement dans l'actualité de l'industrie financière, sans jamais véritablement parvenir à s'imposer. Nous devons cette fois son retour au premier plan à ABN AMRO, qui l'associe étroitement à une fonction de paiement.
Depuis une vingtaine d'années peut-être, jonglant entre hésitations (juridiques, notamment) et difficultés techniques, de nombreuses banques autour du monde ont tenté timidement de capitaliser sur leur connaissance intime de leurs clients et la confiance dont elles jouissent pour créer leur propre système d'identité digitale, qui se poserait en concurrent – plus fiable, mieux sécurisé et plus respectueux de la vie privée – des dispositifs équivalents des géants du web (tels que Facebook Connect et consorts).
Une des principales explications au revers subi par la majorité de ces initiatives (les exceptions concernant celles inscrites dans un programme national, aux fournisseurs multiples) est leur portée restreinte : à partir du moment où elles ne prennent en charge que la clientèle connue et non l'ensemble de la population, les utilisateurs potentiels sont peu enclins à faire les efforts nécessaires, souvent non triviaux, en vue de l'implémenter. C'est justement sur cet aspect, entre autres, qu'ABN AMRO se distingue.
La banque a en effet conçu une solution entièrement autonome, ouverte à tous les citoyens néerlandais, qu'ils aient déjà une relation avec elle ou non. Matérialisée par une application mobile, elle comprend un parcours d'enregistrement qui rappelle les classiques du secteur, avec capture photographique de la pièce d'identité et vidéo de validation. On peut aisément supposer que les composants techniques sont les mêmes que pour l'ouverture d'un compte, réduisant d'autant les coûts et délais de réalisation.
L'autre particularité de « ID & Pay » est donc d'intégrer le paiement, au profit d'un parcours de souscription optimisé. En effet, outre la transmission de quelques données personnelles (par exemple son adresse), le mobinaute est invité à connecter son compte bancaire (probablement par l'intermédiaire des API réglementaires européennes). Dès lors, un seul geste suffit pour procéder à l'inscription sur une plate-forme en ligne partenaire, communiquer toutes les informations requises (moyennant un consentement explicite, naturellement) et régler la prestation (récurrente en cas d'abonnement).
Dans le cadre de la phase pilote actuelle, qui ne recrutera pas plus de 500 cobayes (côté particuliers), un seul commerçant est accessible avec « ID & Pay » : Swapfiets, qui développe un modèle de « vélo en service ». Cette sélection esquisse la possibilité d'une distribution du nouveau produit en priorité auprès de la clientèle professionnelle d'ABN AMRO. Dans tous les cas, son usage est gratuit pour toutes les parties, la banque estimant pouvoir se rémunérer sur les paiements effectués par son intermédiaire.
La démarche retenue ici afin de séduire les deux versants de l'équation de l'identité (individus et entreprises) paraît extrêmement pertinente… Hélas, ne serait-il pas un peu tard pour une telle aventure ? Car, si le porte-monnaie universel promis par la Commission Européenne respecte ses échéances, il faut craindre qu'il ne se substitue rapidement aux alternatives locales et ponctuelles, même s'il n'embarque pas (immédiatement ?) de moyen de paiement. Ne vaudrait-il pas mieux maintenant réfléchir aux opportunités qu'il entrouvre plutôt que dépenser de l'énergie sur les fondations ?