Après le test similaire réalisé par la Banque Centrale Européenne au début de cette année, c'est au tour de la Réserve Fédérale américaine de s'engager dans une démarche – expérimentale, pour l'instant – d'évaluation des impacts du changement climatique sur le système bancaire du pays, qui se prolongera tout au long de 2023.
Ces frémissements successifs au plus haut niveau reflètent logiquement l'inquiétude que suscite de plus en plus le réchauffement de la planète et ses conséquences aussi considérables qu'inévitables sur les institutions financières : de toute évidence, la croissance exponentielle du nombre de catastrophes naturelles menace la solvabilité de leurs clients, particuliers et entreprises, tandis que le financement d'industries fortement émettrices de gaz à effet de serre pourrait souffrir de la nécessaire transition à venir.
Malheureusement, malgré l'urgence décrétée un peu partout, ce ne sont donc que des exercices pilotes qui sont proposés, uniquement destinés à collecter des informations et mieux comprendre les enjeux. Il n'est prévu aucune action correctrice à leur issue (à l'instar des exigences de capital dérivées des « stress tests » classiques) et seuls des résultats agrégés seront fournis, sans identification des enseignes individuelles (qui, elles, pourront toutefois obtenir les informations sur leur propre performance).
De surcroît si, en Europe, à défaut d'être entièrement exhaustifs, ils ont porté sur un vaste panel d'établissements (141 pour une partie exclusivement déclarative et 41 pour un deuxième volet consacré à des simulations), aux États-Unis seuls les 6 plus importants (Bank of America, Citigroup, Goldman Sachs, JPMorgan Chase, Morgan Stanley et Wells Fargo) seront sollicités, à ce stade. Les régulateurs prennent leur temps…
Les conclusions de la BCE, publiées en juillet, ne sont pourtant guère rassurantes, entre impréparation manifeste (visible notamment par l'absence de prise en compte du risque climatique dans les modélisations de crédit et matérialisée par les pertes projetées en cas d'événement majeur) et exposition significative (à hauteur de deux tiers des revenus du secteur !) à une poignée de géants des impacts environnementaux. Et les banques américaines ne se trouvent vraisemblablement pas dans une position plus favorable.
Les six retenues ne se verront d'ailleurs demander que d'estimer les contrecoups sur certains portefeuilles et autres orientations stratégiques d'une série de scénarios… qui restent à définir. Comme sa consœur de l'autre côté de l'Atlantique, la Fed espère de la sorte collecter des enseignements sur les faiblesses existantes, mieux identifier les risques à anticiper… de manière à élaborer, en collaboration avec les firmes participantes, un programme de recommandations, à partir de la fin de l'année prochaine.
D'un côté, il faut certainement se réjouir de la prise de conscience par les autorités de l'impératif de surveillance des banques face au changement climatique, tant il peut menacer la stabilité économique des nations, au même titre que toutes les autres formes de crise. De l'autre, il faut peut-être s'interroger à la fois sur les lenteurs de leur implication et sur l'apparente désinvolture des acteurs concernés vis-à-vis de risques existentiels qu'ils ne semblent pas considérer spontanément avec toute l'attention requise.