c’est la nuit qui par elle criait
si longue et sans étoiles
semblable aux entrailles d’une bête qui nous aurait mangés.
Et le jour serait de la même soie s’il revenait
et maille à maille de la même soie serait la vie.
Maille à maille de la même soie
une seule longue vie noire
avec dans l’air l’aile de la chauve-souris
dont le grand vent de sage espoir
est l’unique fraîcheur pour nos fronts.
Les marionnettes tombent des mains mortes
mortes deux fois
maille à maille de la même soie
la vie des marionnettes passées de main en main,
Mais nous, aucune main ne viendra nous reprendre
quand le poulpe du sang sera pétrifié
qui nous retient debout à l’avant du théâtre.
Maille après maille de la même soie
sable à sable du même gravier
grain par grain du même blé noir
choc par choc du même cœur vide
Quand le dernier laurier aura brûlé ses feuilles
en l’hiver blanc comme l’iris de nos rêves
quel fantôme de bois pourra nous accueillir
sous un soleil enfin sans arrêt ni blessure.
***
Alain Borne (1915-1962) – Revue La Table Ronde n°79