Luca Tahtieazym – Les roses du marais

Par Yvantilleuil

Le récit débute en 1935 en compagnie d’Agathe, une jeune femme de vingt et un ans qui rêve de pouvoir quitter son petit bled de Bourgogne. Lorsque son père parle de la marier à Achille Boisseleau, un homme qui a le double de son âge, l’enthousiasme n’est initialement pas trop au rendez-vous, jusqu’au moment où elle croit comprendre qu’il habite Venise…

La Venise dont il est question n’étant pas italienne, Luca Tahtieazym nous plonge dans les marais de Poitevin, dans un roman de terroir où les hommes cultivent la terre. Achille Boisseleau étant cultivateur de mogettes, l’auteur installe une ambiance rurale qui sent bon le travail, la sueur et la terre. L’amour et les grands voyages dont Agathe rêvait tombent donc légèrement à l’eau et le lecteur aurait facilement pu s’embourber dans cette atmosphère champêtre monotone et ennuyeuse, s’il n’avait pas été réveillé par un coup de pioche pour le moins surprenant qui permet très vite de revigorer ces roses du marais.

Luca Tahtieazym n’est donc clairement pas venu nous parler d’amour et de jardinage, mais nous livre un récit choral assez sombre qui nous parle certes d’amour, mais également de secrets, d’amitié, de solitude, de trahisons, de la guerre et voire même d’émancipation en gardant l’esprit assez large.

Si la première partie nous est contée par Agathe, l’auteur se glisse dans la peau de trois autres personnages au fil des trois chapitres suivants. Le second narrateur est un vagabond engagé par Achille, qui devient le contremaître du domaine du Grand Mazureau et son plus fidèle ami au fil des pages. Un homme rustre, mais travailleur, auquel on n’a aucun mal à s’attacher. Le troisième point de vue est plus surprenant car c’est celui du chien Monhjette, qui a certes vu tout ce qui se déroulait sur le domaine, mais dont les préoccupations canines sont assez différentes de celles des hommes, permettant assez de dévoiler certains événements sous une perspective assez originale. Après ces trois premiers chapitres livrés à la première personne, qui permettent de s’installer au plus proche des personnages, l’auteur nous abandonne en compagnie d’Achille, qui vient apporter la dernière pièce à l’édifice.

A travers la vision de ces quatre protagonistes, Luca Tahtieazym invite à suivre la vie d’Achille sur plusieurs décennies, de l’entre-deux-guerres à l’après-guerre, en passant par l’occupation. Malgré une fin que j’avais malheureusement vu venir longtemps à l’avance, j’ai passé un excellent moment de lecture en compagnie d’un auteur dont je découvre la superbe plume et dont j’ai particulièrement apprécié l’humour corrosif bien sombre.

Un roman qui baigne dans une ambiance rurale à la Franck Bouysse, saupoudré d’un humour noir digne de la série « Donjon Zénith », qui ravira les amateurs de polars et probablement même les lecteurs qui ont la main verte, l’auteur allant jusqu’à proposer quelques conseils de jardinage judicieux.

Beaucoup aimé !

Les roses du marais, Luca Tahtieazym, AFNIL, 284 p., 15,90€

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