À l'issue d'une consultation de la Banque Centrale Européenne pour la réalisation de 5 prototypes d'interfaces utilisateur avec l'euro digital, une seule banque, l'espagnole CaixaBank, est retenue dans la sélection finale. Le sujet n'intéresserait-il pas (suffisamment) ses concurrentes ? Sont-elles incapables de démontrer leur capacité à innover ?
L'objectif de l'exercice proposé par la BCE consiste à évaluer la technologie sous-jacente à l'e-monnaie et sa facilité d'intégration, à travers une série d'applications opérationnelles de référence, adossées à l'infrastructure et aux interfaces mises en place par l'Eurosystème (le « back-end »). Incidemment, les réalisations livrées dans ce cadre n'ont en conséquence pas vocation à être réutilisées ultérieurement, que ce soit pour des expérimentations complémentaires ou pour un (éventuel) déploiement public.
Par souci d'exhaustivité, cinq cas d'usage distincts sont ciblés lors de cette phase, chacun d'eux étant attribué à un contributeur spécifique : Wordline prendra en charge les paiements déconnectés, l'EPI (pourtant bien mal en point) et Nexi se concentreront sur les terminaux en point de vente (le premier avec initiation par le payeur et le second par le marchand), Amazon se voit (logiquement ?) confier les règlements du e-commerce et, enfin, CaixaBank consacrera sa participation aux transactions entre pairs (P2P).
Malgré ses surprises, les candidats choisis ont une légitimité incontestable au sein de cette liste. Cependant, la maigre représentation des banques soulève immédiatement de multiples interrogations. Ainsi, d'emblée, elle paraît matérialiser la crainte qu'elles ont maintes fois exprimée de subir, à un degré plus ou moins prononcé, une désintermédiation de leur monopole de fait sur l'argent avec sa « digitalisation » et d'être supplantées par des acteurs (dont les GAFA !) selon elles moins dignes de confiance.
Mais pourquoi leurs dossiers, en supposant qu'elles fassent partie des 54 entités ayant soumis une réponse à la BCE, n'ont-ils pas séduit alors qu'elles devraient naturellement être les mieux placées ? Une hypothèse à considérer est leur difficulté chronique à exécuter des projets innovants dans des conditions (de coûts et de délais) raisonnables, ce qui les met automatiquement en position de faiblesse face à des structures agiles et réactives (ce qui peut aussi caractériser CaixaBank, dans une certaine mesure). Il faudra pourtant corriger ce défaut afin de survivre aux transformations à venir.
À moins qu'elles ne perçoivent simplement pas que l'enjeu justifie leur engagement. La perspective de mobiliser des moyens, même modestes, à la création de prototypes jetables, dans un processus de développement long, qui n'aboutira probablement pas avant plusieurs années, n'est peut-être pas jugée valorisante au regard des résultats attendus. Mais ce raisonnement oublierait tragiquement les bénéfices de l'expérience acquise dans la démarche, aussi bien du point de vue des monnaies « digitales » en général que des particularités de l'implémentation qu'envisage à terme la BCE.