Tu ne condamneras pas les pierres,
ne te regarderas pas toi-même
au-delà des pierres, et tu diras
que tu ne les désirais pas
avant que ton visage
ne se soit changé en pierre.
Devant toi,
et derrière toi, dans l’obscurité
qui grandit avec le jour, tu auras
presque respiré. Et tes yeux,
comme si ta vie n’était rien de plus
qu’un amer pèlerinage
vers cette contrée du manque, s’ouvriront
sur les murs
qui t’enferment dans ta voix,
ton autre voix, te guidant
vers les lointains de l’amour,
où tu gis, plus près
de la seconde
et plus vive terreur
de vivre dans ta mort, et de dire
la pierre
que tu deviendras.
*
Viaticum
You will not blame the stones,
or look to yourself
beyond the stones, and say
you did not long for them
before your face
had turned to stone.
In front of you
and behind you, in the darkness
that moves with day, you almost
will have breathed. And your eyes,
as though your life were nothing more
than a bitter pilgrimage
to this country of want, will open
on the walls
that shut you in your voice,
your other voice, leading you
to the distances of love,
where you lie, closer
to the second
and brighter terror
of living in your death, and speaking
the stone
you will become.
***
Paul Auster (né en 1947 à Newark, New Jersey, États-Unis) – Wall Writing (1976) – Disparitions (Unes / Actes Sud, 1993) – Traduit de l’anglais (États-Unis) par Danièle Robert.