Bon l'americana chère aux frères Goldmith de Dawes (déjà 8 albums au compteur), on va dire qu'elle n'a pas inventé le fil couper le beurre.
Comme toute americana d'ailleurs. Qui songerait à trouver du génie à Wilco par exemple ? Alors qu'est-ce qui mérite in fine qu'on s'y arrête...
Le groupe californien a comme tous ses contemporains subi le contrecoup de l'arrêt forcé des tournées dû au COVID-19. C'est donc retranchés dans un studio (comme tout le monde) qu'ils ont opéré à l'unanimité un changement dans la continuité : le prochain disque serait de l'americana, peut-être un peu plus serein et aéré qu'à l'accoutumée.
Là où les précédents disques pouvaient davantage bastonner car peut-être conçus avec des velléités scéniques.
Les protégés de Jonathan Wilson lui même pas maladroit quand il s'agit de vouloir devenir le prochain Kurt Vile à la place de Neil Young, et qui ont été adoubés, produits et hébergés par ce dernier (il joue d'ailleurs également des percussions sur le disque), ont décidé dans un réflexe survivaliste de s'affranchir à la façon de Stephan Eicher ("ce soir, je lui annonce pas / la dernière /hécatombe") des nouvelles anxiogènes entretenues et diffusées par nos écrans à grands renforts de navigation frénétique désabusée (le doomscrolling).
S'ensuit ainsi une pop folk toute acoustique languide tantôt teintée de blues ("Ghost in the machine") tantôt de jazz - ce break insensé qui lie "Someone elses's café" (et son magnifique motif de guitare) et "Dommscroller tries to relax", le jazz grande marotte de Taylor Goldmith et ses acolytes. Il contribue à donner un tour feutré aux six longues pièces de Misadventures Of Doomscroller.
Beaucoup de fans de Dawes vont détester ce disque et son absence d'hymnes pêchus. Les autres qui n'ont pas d'idées sur la question le voueront aux gémonies du fait de sa perfection clinique.
Tout se présente en effet comme une jam languide et sans surprise et exécutée de main de maître par d'excellents musiciens de studio (des requins diront les plus méchants). Les parties de guitares sont ciselées à l'extrême, le moindre solo semblant relever d'une perfection Gilmourienne et Pink Floydienne. Les claviers sont superbes de sobriété. Pas une aspérité, tout est lisse. Jusqu'au chant de Taylor Goldsmith qui ressemble à tant de voix blanches (voir incipit). A dire vrai, Dawes reclus dans sa tanière s'apparente à un cauchemar pour ceux qui aiment les prises de risque, un nouveau Little Feat voire pire....à un nouveau Steely Dan. Enfer !
Ce qui fait alors remporter l'adhésion haut la main pour ces musiciens angelenos, c'est la pureté des mélodies. On y revient mais "Someone else's café" jouit du gimmick guitaristique le plus infectieux entendu en 2022. "Comes in waves" et ses airs désenchantés a aussi des accents irrésistibles. Et que dire de "Joke in there somewhere" et son outro dont le nihilisme du propos (le confinement, la pandémie, l'isolement) le dispute à un refrain aérien et volatile.Dans la catégorie "album mille et une fois entendu dont on ne peut se détacher", Misadventures of Doomscroller se pose donc un peu là. On ne sait pourquoi on aime autant ce disque et à la limite, ça n'a pas vraiment d'importance. Les Yankees ont ça dans le sang, on vous le disait.
En bref : énième tentative americana par un énième groupe de virtuoses US. Rien de neuf sous le soleil. Un disque parfait jusqu'à l'écoeurement et néanmoins irrésistible.