Le château de Castelnaud est perché sur un piton au-dessus de la Dordogne. Il fait face au château de Beynac sur l’autre rive, son rival. Il abrite un musée de la guerre au moyen-âge.
Simon de Montfort s’empare du château en 1214 car le seigneur du lieu s’était rangé du mauvais côté – celui des « hérétiques » cathares. Saint-Louis cède la forteresse au roi d’Angleterre, une fois de plus (pourquoi ce roi est-il « saint » ? Est-ce parce qu’il tend la joue gauche après le soufflet sur sa droite et qu’il donne tout à ses ennemis ?). Le château est restauré au 15ème siècle après avoir été pris et repris lors de la guerre de Cent ans. Seuls donjon et enceinte sont du 13ème siècle et la Révolution en a fait une carrière de pierres comme aux pires temps barbares.
La restauration actuelle date de 1969 et offre aux gamins un rêve de forteresse, un lieu clos fascinant telle une cabane ou une île, dont tous les jeunes garçons ont un jour le fantasme.
Puissant donjon surmonté d’impressionnants mâchicoulis, épais mur d’enceinte, grosses tours, canonnières de défense. Le panorama dû à sa position dominante titille le bas des reins en une impression puissamment sexuelle d’être un maître du monde en le voyant de si haut.
Le musée ravit les gamins mâles. Il montre un canon d’alarme allemand du début du 16ème siècle avec une inscription : « mon nom est Bülin van Efentür, je mange de la poudre et je crache du feu. » Un « orgue de germain » crachait déjà le feu par ses 12 bouches au 16ème, bien avant que Staline ne le réinvente. La mise à feu et les départs étaient successifs, comme des tubes d’orgue. Une couleuvrine avait, paraît-il, une portée de 1000 mètres.
A l’extérieur, sur les remparts, on peut voir une bricole, ou pierrière, qui lançait des boulets de 5 kg en pierre brute. Plus bas, un trébuchet. C’est intéressant, manifestement destiné aux familles avec de jeunes garçons batailleurs. Ils sont passionnés.
Nous passons devant le château rival de Beynac pour aller à Puymartin.
La visite est un excellent contrepoint à Castelnaud. Là, les adultes apprécient plus que les gamins, il en faut pour chacun. Le château de Puymartin est un bel édifice du 15ème siècle, bâti de pierres jaunes, au lourd toit de lauzes soutenues par une charpente en chêne et châtaignier. Cette dernière essence éloigne les araignées. Une belle tour ronde, une autre hexagonale, chacune aérée de larges fenêtres Renaissance, des toits pointus, une frise de créneaux décoratifs, font de ce château un ensemble qui ne déparerait pas les bords de Loire. Je le dessine un moment au stylo bille sur mon carnet qui s’illustre ainsi peu à peu.
La guide est étudiante et vive. Elle raconte une série attachante de choses apprises, mais qu’elle ne comprend pas toujours (il suffit de lui poser des questions pour s’en rendre compte). Le château est dans la même famille depuis cinq siècles, par les femmes. Le dernier propriétaire l’habite toute l’année. L’extérieur a été remanié mais reste d’un bel effet malgré le néogothique d’une partie qui sent son 19ème. Le mobilier est superbe. Dans la chapelle se dresse une piéta en pierre polychrome du 15ème. Dans la chambre d’honneur trône un grand lit à baldaquin où l’on dormait presque assis, calé par des coussins. La position allongée étant celle de la mort, les gens du lieu en avaient peur. Dans cette même pièce sont tendues de grandes tapisseries d’Aubusson 18ème à dominante de verdure et de nature. Attenant, s’ouvre un « cabinet de méditation », une pièce étroite recouverte de boiseries intimes, peintes en sfumato noir et blanc de scènes énigmatiques, d’inspiration antique. Je reconnais Asclépios, Méléagre, la Méduse.
La grande salle a le plafond en poutres peintes du 17ème. Des tapisseries flamandes illustrent la guerre de Troie. Les meubles d’époque Louis XIII sont austères et sombres, comme l’esprit de ce roi à la mère trop autoritaire, devenu orphelin trop jeune. Des torchères torsadées sont en chêne. On a contraint l’arbre à pousser en torsade en l’entourant d’un lien un siècle durant !
Au sommet du donjon, une chambrette hexagonale voûtée faisait office de salle de guet. Elle a été transformée en prison pour une femme, Thérèse de Sainte-Clare. Son mari, de retour des croisades, l’avait surprise accolée à un autre chevalier… Scandale en cette époque où le « sang » était un honneur pour la lignée. Le seigneur a donc a tué le jeune amant, comme il se devait, et enfermé la putain 15 ans durant, jusqu’à ce que la mort l’en délivre. Il aurait fait ensuite murer son cadavre dans la pièce pour qu’il ne s’échappe pas. On ne badinait pas avec la chasteté à cette époque d’église toute-puissante et d’héritage à transmettre.
Un fantôme hanterait donc les escaliers du château et des histoires mystérieuses circulent, alimentées par le propriétaire qui affirme avoir vu lui-même le fantôme deux fois. Comme il faut remplacer bout par bout la coûteuse toiture et entretenir au quotidien cette bâtisse immense, un peu de mystère alléchant ne peut qu’aider à la publicité - et attirer le touriste qui acquitte un droit d’entrée.
La visite dure trois-quarts d’heure, il s’agit de la dernière du jour. Nous n’étions que trois. Je ne le regrette pas.
Castelnaud château
Castelnaud histoire du château
Puymartin château
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