Facétie du climat pardon de la météo, voilà qu’en moins de deux semaines, nous sommes rapidement passés de la salade niçoise à la raclette : d’un coup, les températures sont tombées et, avec elles, l’intérêt immédiat de certains pour un dérèglement climatique qui n’en finit pas de revenir tous les ans avec une régularité quasi-saisonnière.
Rassurez-vous cependant : les baveux de plateaux télé ont très rapidement adapté leur discours et, peu embarrassés par leur mémoire limitée à quelques minutes, ne voient donc dans ce changement météorologique rapide qu’une raison de plus d’affoler le spectateur sur le thème « On va tous mourir de froid » quand, seulement quelques jours auparavant, les mêmes nous expliquaient sans rire qu’« on va tous mourir de chaud ».
Et au-delà de cette adaptation somme toute modeste à une réalité qu’on ne peut pas trop nier, l’actualité reste mollement cantonnée dans les mêmes boucles répétitives de propagande plus ou moins grossière, oscillant à pas cadencé entre le conflit russo-ukrainien, la pénurie énergétique à venir, les abominables dégâts de l’homme blanc occidental sur le climat, la faune, la flore et les autres civilisations et une politique nationale consternante de vacuité.
Les ministres se relaient devant les mêmes hommes-troncs compassés pour débiter les mêmes âneries avec cette conviction qui montre qu’ils sont ou bien de parfaits abrutis, ou bien de parfaits menteurs cyniques (le cumul n’étant pas rigoureusement impossible non plus) pendant que, dans le même temps, l’opposition parlementaire est inexistante, évaporée depuis quelques mois dans le néant intersidérant de la politique française.
Des fulgurances discutables de quelques élus encore sur le pont pendant que le reste de l’Assemblée est en vacance(s) permettent de rappeler qu’ils existent encore (mais pour combien de temps ?). Et lorsque Jean-Luc Mélenchon ne dépose pas des plaintes ridicules, il émet, perdu dans sa réalité alternative, des petits gargouillis de premier ministre en cohabitation qui dirige fièrement un gouvernement de frétillantes Tuches ministérielles pour des lendemains qui sifflotent.
Devant cet état des lieux particulièrement nul, le chroniqueur normal ne peut que constater l’abaissement permanent des termes du débat social, économique ou politique dans le pays.
À l’analyse, tout se passe comme si les nouvelles qui s’amoncelaient n’étaient construites que pour éloigner les citoyens de toute prise de conscience des enjeux réels de la situation courante, de les entourer dans un coton d’imbécilités plus ou moins douillettes ou d’informations outrancières qui – certes – déclenchent des émotions mais surtout, ne permettent aucune réflexion : dans cette marmite de l’instantané au bruit permanent, il semble impossible de faire fermer son caquet à la classe jacassante pour enfin se concentrer, dans l’apaisement d’une réflexion de moyen ou long terme, sur les problèmes graves qui secouent le peuple (pauvreté, insécurité, déclassement, illettrisme, …).
Pire encore : les médias, premiers pourvoyeurs de cette actualité officielle, font absolument tout pour amplifier les bruits et détourner l’attention dans une sorte de « Don’t look up », ce film tragicomique dépeignant un déni imputrescible devant une catastrophe inévitable. En pratique, l’actuelle fanfreluche informationnelle ne serait pas très différente si les journaux télévisés étaient par exemple soudainement lardés de petits clips de chatons faisant des bêtises amusantes : ce serait juste plus visible, et moins efficace pour polariser les foules, mais pas différent dans le fond.
Plus efficacement, ces médias ont donc remplacé les chatons par des niaiseries politiques accessoires, quelques remarques politiquement correctes sur le temps qu’il fait, ce que pensent « les gens » (blob mou et fourre-tout d’une opinion générale indéfinissable, balancée à coups de sondages bâtis sans plus le moindre souci de représentativité), et, de temps en temps, l’indispensable désignation d’un coupable ou d’un méchant dans une sorte de quart d’heure de haine assumée qui trouvera toujours un Goldstein qu’on va pouvoir haïr à bon frais.
Mais de questions pertinentes sur les responsables des malheurs qui frappent les Français, point.
Ainsi et par exemple, pas un journaliste, pas un politicien, personne ne semble vouloir tenir rigueur à Édouard Philippe, Élizabeth Borne ou Emmanuel Macron d’avoir mis la France dans la situation énergétique actuelle, à la merci de la moindre vague de froid. Et lorsqu’un Macron nie toute responsabilité, lorsqu’une Borne fait exactement de même, lorsqu’un Philippe entérine « droit dans ses bottes » un bobard évident, personne ne moufte et si les journaux le pouvaient, ils colleraient plutôt des gifs animés de chatons :
Le fond du problème est visible et tient en deux aspects.
Le premier est, bien sûr, la veulerie moyenne des journalistes : déjà évoquée à plusieurs reprises et notamment dans un précédent billet, elle n’est plus à démontrer. Après tout, ils sont majoritairement payés par l’État (et donc les politiciens qu’ils devraient critiquer ou analyser) ou par des magnats dont l’intérêt est justement de conserver de bons liens de connivence avec ces politiciens. De nos jours, le journaliste a précisément pour mission de conserver l’attention des auditeurs, des spectateurs et des lecteurs focalisée sur des thèmes connus, balisés et dont les retombées (psychologiques notamment) sont connues et bénéfiques pour leurs employeurs.
Pour eux, « Don’t look up » n’est pas un film, mais un modus operandi.
La seconde raison de cette irresponsabilité est que les politiciens sont maintenant, au contraire des passoires thermiques qu’ils entendent taxer à mort, complètement isolés : moelleusement entourés de Bénis Oui-Oui, de cabinets de conseil grassement payés et de gardes du corps – qui ont, eux, le droit de port d’arme, n’est-ce pas – ils ne sont plus confrontés au peuple et ne seront plus (ou quasiment plus) jamais amenés à rendre des comptes. Dans la vie, il n’y a pas de repas gratuit, sauf pour eux et à nos frais.
Pire encore : au fil des ans, ils ont été choisis pour être irresponsables c’est-à-dire qu’on a transformé le parcours politique en parcours du vainqueur à la course d’irresponsabilité. Leurs mensonges ne leur sont plus jamais renvoyés au museau, par personne. Leurs affaires louches ne leur valent pas honte, opprobre et ostracisation, au contraire. Leurs âneries ne leur valent pas moquerie mais au contraire, ils sont encensés pour elles ou des batteries de « fact checkeurs » leur viendront en aide.
Une politique d’irresponsables ne peut mener qu’à la ruine de tout un peuple. Ce pays est foutu.
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