Il ne faut pas abuser du référé suspension d’un permis de construire

Publié le 13 août 2008 par Christophe Buffet

…car on risque d’être condamné à une amende civile, c’est ce que démontre cet arrêt :

« Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 et 31 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Jean-Yves A, demeurant ...; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 31 juillet 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté en date du 7 juin 2007 par lequel le maire de la commune de Leffrinckoucke a accordé à M. et Mme B un permis de construire une maison entre le n° 104 et le n° 114 sur la digue de mer ;

2°) statuant en référé, de faire droit à leur demande de suspension ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Leffrinckoucke et de M. et Mme B le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de l'urbanisme ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Laure Bédier, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de M. et Mme A et de la SCP Vincent, Ohl, avocat de la commune de Leffrinckoucke, - les conclusions de M. Luc Derepas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par une ordonnance en date du 12 avril 2007, le juge des référés du tribunal administratif de Lille à, à la demande de M. et Mme A, ordonné la suspension de l'exécution de l'arrêté du 24 janvier 2007 du maire de la commune de Leffrinckoucke délivrant à M. et Mme B un permis de construire une maison d'habitation ; que l'exécution du deuxième permis de construire accordé par un arrêté du 19 avril 2007 a également été suspendue par une ordonnance en date du 25 mai 2007 ; que M. et Mme B ont présenté un troisième permis de construire, modifié pour tenir compte de l'ordonnance du 25 mai 2007, qui leur a été accordé par un arrêté en date du 7 juin 2007 ; que, saisi par M. et Mme A d'une demande de suspension de l'arrêté du 7 juin 2007, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande et les a condamnés au paiement d'une amende en application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative ; Sur les conclusions dirigées contre l'ordonnance en tant qu'elle rejette la demande de suspension du troisième permis de construire présentée par M. et Mme A : Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ; Considérant qu'en estimant que les moyens tirés de la brièveté de l'instruction de la demande de permis de construire et de la méconnaissance des articles UA 7 et UA 10 du plan local d'urbanisme n'étaient pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 7 juin 2007 par lequel le maire de Leffrinckoucke a accordé à M. et Mme B un permis de construire, le juge des référés du tribunal administratif de Lille n'a pas commis d'erreur de droit, eu égard à son office, ni dénaturé les pièces du dossier ; qu'il suit de là que M. et Mme A ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle rejette leur demande de suspension de l'arrêté du 7 juin 2007 ; Sur les conclusions dirigées contre l'ordonnance en tant qu'elle met à la charge de M. et Mme A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée (...) » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en mettant à la charge de M. et Mme A le versement à la commune de Leffrinckoucke de la somme de 1 500 euros, le juge des référés du tribunal administratif de Lille s'est livré à une appréciation souveraine qui, en l'absence de dénaturation, échappe au contrôle du juge de cassation ; que la circonstance que la somme mise à la charge de M. et Mme A serait supérieure à celle mise à la charge de la commune de Leffrinckoucke par les deux précédentes ordonnances n'est pas de nature à caractériser une erreur de droit ; qu'il suit de là que M. et Mme A ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée, en tant qu'elle a mis à leur charge la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Sur les conclusions dirigées contre l'ordonnance en tant qu'elle inflige à M. et Mme A une amende pour recours abusif : Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : « Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros » ; Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions que, si le pouvoir conféré au juge d'assortir sa décision d'une amende pour recours abusif n'est pas soumis à l'exigence d'une motivation spéciale, rien ne lui interdit de motiver le prononcé de cette amende ; qu'il appartient alors au juge de cassation de s'assurer que cette motivation est exempte d'erreur de droit ; qu'en l'espèce, en se référant aux motifs de ses précédentes ordonnances, le juge des référés du tribunal administratif de Lille ne s'est pas mépris sur la portée de celles-ci et n'a pas commis d'erreur de droit ; Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 522-3 du code de justice administrative : « Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 » ; que la circonstance que le juge des référés se prononce sans faire usage de la procédure ainsi prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative ne fait pas obstacle à ce qu'il prononce une amende au titre de l'article R. 741-12 du code de justice administrative, le caractère abusif de la demande pouvant notamment apparaître au cours de l'instruction ou de l'audience publique ; qu'ainsi, en condamnant M. et Mme A au paiement d'une amende pour recours abusif alors même qu'il n'avait pas recouru à la procédure de l'article L. 522-3, le juge des référés du tribunal administratif de Lille n'a pas commis d'erreur de droit ; Considérant, enfin, qu'en relevant que, dans les circonstances de l'affaire, la requête présentée par M. et Mme A revêtait un caractère abusif, le juge des référés du tribunal administratif de Lille n'a pas inexactement qualifié cette requête ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée, en tant qu'elle les a condamnés à payer une amende au Trésor public ; Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Leffrinckoucke et de M. et Mme B, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme A le versement à la commune de Leffrinckoucke de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée. Article 2 : M. et Mme A verseront à la commune de Leffrinckoucke la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Jean-Yves A, à la commune de Leffrinckoucke et à M. et Mme B. ».