Mosaïques
Son, nuées et nuages du poème de Fortune, poème basé sur la lettre, image et fréquence sonore, unité de base du poème qui tient les cercles, les cycles et les dehors solidaires. Où les mondes connus et inconnus, infinis, sont ainsi éclairés par une physique et des rythmes neufs, cribles de l'histoire des formes littéraires, fruits des liens entre les générations où s'avivent les personnages de Motets. Itérations et leurs rejets imprévisibles d'époques en époques qui lorsqu'elles sont creusées, renouvellent les méthodes et techniques de l'image, de la peinture, de la photographie, du cinéma, chacune ayant un œil et un espace propres. Rythmes des vers de la poésie de Fortune où les partages formels répondent de l'étendue, des équilibres entre les étymons lassés de leurs répétitions en quête d'inouï, et les créations modifiant les roses des citations et des signifiants.
Forgé, le vers se tient et dépasse, selon les moments, les tempéraments, les climats des traversées, les ténuités, les porosités sonores et graphiques des vacations, les espaces, les étendues propres à son poème et les buts du poète dont les visions du monde excèdent les ressacs enclos dans leurs lagons séparés du large. Les assonances, les amitiés entre vocables ont toutes leurs épaisseurs sédimentaires, si bien que les proximités, lianes continentales et vagues océaniques, ne se construisent que dans et par leurs singularités, le poème bâti sur des mondes parallèles, jaloux de leurs indépendances garantes de leurs perpétuations. De leurs alliances, de leurs mélanges, mosaïques et ferments construisant des éphémérides nouvelles.
Fortune a pour témoin et mesure du vers, la transformation des rimes sonores ou signifiantes, leurs postérités initiées par les poètes qui sont faits des mémoires de l'art de composer des poèmes, de la même façon que les métaphores, les comparaisons, les images, ont été usées et manipulées par les modes de production et de consommation uniformisés. Les assonances, les liens internes des mots et leurs étymologies brassées, trouvent dans cette poésie des distances, des intervalles neufs, expérimentent des modes d'expression et d'exposition des fréquences sonores dont les poids, les gravités, les forces motrices, modifient - jusqu'au sein des fibres et des organes des idoles rameutées ici et là anachroniquement, protestant elles-mêmes de leur inopérabilité en une ère où leurs pouvoirs hypnotiques et mystificateurs n'ont plus aucun poids - les mouvements et les énergies de la matière proche de ses hésitations entre tout et rien observée et flairée avec les sens et l'intellect, sans se sentir amoindris ou défavorisés par le sort ou le destin. Les forces attractives de l'épos et de l'approfondissement des aléas et sensations, courants lyriques, ont le nuage pour cœur et soleil, l'évidence de leurs découpes, densité, énergie, nuée unique et pour cela familière.
Il en va bien à travers les répétitions, âme et cœur des poètes, de l'idéal type bousculé des personnages, de Ulysse à Ulrich, de leurs logiques, armatures libérant l'imagination et la forme du poème. De leurs liaisons, non pas selon des variations d'un matériau invariable, d'une âme humaine simple et univoque, mais peignant des analogies que le langage, souffle des mémoires, organise et fait naître. Les échos, items par innovations sur les voies des sons, des mots, s'étendent aux images antérieures réalisées par le poète. Aux disparitions, Des personnages. Personne. Nid d'aigles. Fuit., le poète ajoute les rythmes où les formes de vie s'inventent mutuellement, parentes d'espaces acoustiques où le mouvement Gris et altri signe ces oscillations entre noms propres et noms communs, aquatintes sonores et piaffées aux creux des vallons. Aubes aurores de patience et d'impatiences nouvelles.
René Noël
Philippe Blanchon, Fortune, La Lettre volée, 2022, 70 pages, 15 euros
Extrait
Les corps parcourus ont traversé vers un jour
se prolongent au ras de la mer : bleuet, cobald,
indigo, nuit, roi, minuit, horizon, pervenche, corail,
garance, cardinal, grenat, pourpre, amarante, cuivre,
argile, tourterelle, ardoise, perle, argent, céladon ;
tourterelle, ciel qui s'étire et se ramasse, perce et
bouche, purge et nourrit - Fleurs métaux après
les verts bus depuis l'enfance. Et de quoi a-t-on
accusé les capitaines indigents qui autrefois ont
déchargé les navires avant les postes sans prestige
avant l'astreinte à terre ?
Céladon, mousse, prairie,
imprial, de la rivière à la mer, aux mers, Alysse,
attendant Ulysse, le devançant, la brune, la blanche,
sur le dos d'un cheval. Lui-même avec ou sans bois,
fardeau, porté et porteur, porteur d'eau que la nuit
fait reculer. Marée et champs musiciens, perles
égrainées - rire en bourgeon. (Cité faisant verser
l'empire, capitaines au loin, se tenant.)...
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