Tu peux t'habituer à mon absence
sans peine,
tout comme les oiseaux
lorsqu'on leur a coupé les fils du téléphone
Dans ce livre, il est question d'amour et de séparation, qui ne vont pas l'un sans l'autre, ce qui conduit le poète à cette exhortation:
Jeunes gens,
quoi que vous fassiez
éprenez-vous de femmes de villes lointaines...
Partir pour une ville lointaine peut se faire en avion, l'aéroport étant alors un lieu propice pour prononcer cette prière:
Je veux embrasser ton visage
à travers cette vitre sale,
et à ton départ
lui apprendre le chemin du retour
Ce peut être aussi une gare déserte en banlieue, où il n'attend pas l'amante et rend hommage aux stationnaires épuisés comme lui:
qui n'ont jamais su
si l'attente était plus dure
que l'oubli
Ses poèmes ne sont pas mièvres. D'ailleurs il n'aime pas les poèmes minables, ni les séparations, ni les fins non plus:
car dans la vie, c'est à la fin qu'on fait les comptes
or moi, mon ami,
je suis endetté jusqu'au cou
Le poète a peur, comme tout le monde, mais lui que son amante s'en aille ou qu'elle ne vienne pas, peur de trahir ou d'être trahi:
On naît avec la jalousie cachée
sous la peau
comme un grain de beauté attendant de se montrer,
et par malheur,
je suis l'enfant
au grain de beauté le plus monstrueux de tous
Le poète a même peur finalement de la tromper en étant aimé d'elle en toute méconnaissance de qui il est vraiment:
j'ai peur de tourner la tête et de voir la trace de mes pas,
comme la présence d'un homme qui me suit
caché dans les poches de mon manteau
ce lâche qui m'a toujours traqué
qui m'accompagnera jusqu'à toi
et pour qui ce soir encore
tu m'abandonnerais
Francis Richard
Chants de la Rue des Forgerons, Ndriçim Ademaj, 152 pages, Éditions d'en bas (traduit de l'albanais par Festa Molliqaj)