Revoilà l'écossais Tom Gauld avec un petit bijou d’humour, recueil de strips consacrés aux livres, aux auteurs, et...un peu aux bibliothécaires.
So british !?
"On les croyait vaincus, mais on les avait seulement repoussés sous terre. Puis un jour, les bibliothécaires revinrent...dotés de compétences organisationnelles supérieures, ils s'emparèrent rapidement du pouvoir. Chaque bâtiment devint une bibliothèque, chaque mur une étagère, chaque passeport une carte d'abonnement. Le monde entier fut structuré sur le système de classification décimale Dewey. On aurait jamais du déconner avec les bibliothécaires..."
"Chut !"
C'est sur ce constat ironique et à l'humour ouvertement troisième degré que Tom Gauld ouvre son nouveau recueil de strips. Ceux ci étant méticuleusement réalisés chaque dimanche dans le cahier littéraire du quotidien anglais The Guardian. Si la communauté des bibliothécaires donne son titre à ce beau volume in Octavo cartonné de 160 pages, ils ne sont pas les seuls à en être le sujet, bien au contraire. Et ils ne sont pas vraiment "moqués", cela serait d’ailleurs ne pas rendre justice à la finesse de l'auteur, qui se sert exquisement de sa connaissance du milieu de l'édition, pour s'amuser et nous amuser avec des pensées anecdotiques pleine de saveurs. Les auteurs par contre n’étant pas les derniers dont il se moque gentiment ; bien qu'à ce jeu là, les éditeurs passent aussi de nombreuses fois pour de vrais goujats. Deux couples de fermiers observant d'une colline quelques personnes rassemblées plus bas dans un grand enclos, se mouvant au sein de tables et de chaises : "on est en mars Brian, et aucun d'entre eux n'a envoyé le moindre chapitre à son agent. On aurait du s'en tenir aux vaches". (Un point.)
Autre strip : une femme s'adressant à son mari, une feuille en main et ayant lu le texte manuscrit écrit dessus : " ...un monstre informe, tout droit sorti de l'ombre qui jacasse horriblement dans une langue chaotique et inintelligible "
- j'en ai la chair de poule, dit-elle.
Mais tu n'écrivais pas un roman d'amour ?
Lui : - C'est le cas. C'est l'avis de mon éditeur sur le manuscrit ". (Égalité).
Tom Gauld nous offre aussi l'avis des livres eux-mêmes, comme dans ce strip façon Contes de la crypte, nous montrant l'intimité d'un papa livre avec ses deux enfants, dont l'histoire du soir se termine par le pilonnage d'un ouvrage, comportant des coquilles... Les acheteurs compulsifs ou collectionneurs sont aussi brocardés, comme Les différents genres d'écriture, abordés brillamment, permettant des clins d'oeil à de nombreux noms fameux du policier, de la poésie, de la science-fiction, du roman d'amour, de la philosophie. Des jeux sont même proposés : suggestions de rééditions improbables (« Avec de plus modestes ambitions », « les livres d'images pour milliardaires », ceux « audio soporifiques pour insomniaques »...), ainsi que des générateurs de romans thématiques.
Bref, si Tom Gauld a été révélé depuis 2005, entre autre aux États-Unis grâce à la revue spécialisée Kramers Ergot, son premier petit roman graphique Vers la ville a été proposé en France dès la même année chez le petit éditeur Bülb Komics. Depuis, l'éditeur l’Association a proposé Goliath en 2013 avant que les éditions 2024 ne l'invitent dans leur catalogue. C'est donc son septième album français, et il fait partie de ces auteurs dont on n'hésite pas à prêter le dernier ouvrage tant il est attachant (et toujours de petite taille), à sa famille ou son meilleur ami. Et vous, resterez-vous sans un livre de Tom Gauld dans votre bibliothèque ?
FG
Toutes images : photos d'après le livre © Tom Gauld/éditions 2024
La revanche des bibliothécaires, de Tom Gauld
Éditions 2024 (17€) - ISBN : 2383870234