Il est vrai que le positionnement des « chatbots » parmi les catégories de solutions proches du « plateau de productivité », donc quasiment prêtes à l'industrialisation, n'est pas particulièrement surprenant, d'autant plus que les analystes soulignent la grande diversité de contextes dans lesquels ils sont exploités, avec des niveaux de complexité variables, bien que les implémentations les plus fréquentes interviennent dans les départements de support, en interne et en externe, ou de ressources humaines.
Présentés comme une des principales sources de projets mettant en œuvre l'intelligence artificielle, celle-ci concerne avant tout le traitement du langage. Leur contribution à la transformation des relations entre humain et machine a le vent en poupe, notamment dans les applications mobiles, où l'approche imposant à l'utilisateur d'apprendre l'interface laisse place au « chatbot » qui s'adapte à son interlocuteur. Enfin, leur progression est favorisée par une programmation de plus en plus accessible aux non informaticiens.
Dans un registre plus technique, Gartner place dans la même zone de son échelle, à court terme, l'adoption de l'infonuagique public, ce qui me laisse plutôt perplexe. Les arguments invoqués de flexibilité et d'efficacité sont indiscutables et l'impact potentiel sur les coûts d'infrastructure devrait être un puissant facteur de séduction. Pourtant, les réticences persistantes, motivées entre autres par des craintes pour la sécurité, ne laissent guère entrevoir d'évolution majeure au-delà de l'usage marginal actuel.
Puis vient le concept de « banque en services » (« BaaS »). Celui-ci occupe très justement le sommet du « pic des attentes excessives » : omniprésent dans les plans stratégiques, il répond à une double préoccupation de recherche de relais de croissance dans des marchés saturés (où, de surcroît, une nouvelle concurrence émerge) et de rebond sur les opportunités offertes par l'ouverture des données, jusqu'à maintenant abordée (presque) exclusivement par l'angle de la contrainte réglementaire.
Dans une brutale accélération vers la généralisation, Gartner affirme que 30% des institutions financières (de taille respectable) engageront des initiatives en la matière d'ici à la fin de 2024… tout en estimant que la moitié d'entre elles ne parviendront pas à en tirer les revenus supplémentaires espérés. En l'occurrence, l'obsession des responsables pour l'identification des modèles d'affaires possibles et la quantification du retour sur investissement associé me semble hélas plus propice à la temporisation.
En effet, l'emballement universel qui entoure le sujet masque mal l'impréparation des banques à un chantier d'une ampleur considérable. Il ne peut « simplement » être question de proposer les services existants sous forme d'API, ce qui, incidemment, entraîne déjà souvent des difficultés insondables. Il faut également comprendre à qui ces offres s'adressent, mettre en place des dispositifs contractuels inédits, créer des parcours client spécifiques… en un mot, concevoir et déployer un métier totalement nouveau.
Imaginer que l'ensemble de ces transformations surviendra sous deux ans paraît d'autant plus illusoire que, outre l'inertie et la prudence traditionnelles du secteur, d'autres impératifs mobilisent les énergies, dont certains (la rénovation des cœurs de système, par exemple) constituent un préalable indispensable. Dans l'intervalle, il faut s'attendre à une accumulation d'échecs… dont la conséquence sera de décourager les acteurs moins audacieux et de retarder encore la transition vers la banque vraiment « digitale ».