Le narrateur égrène des souvenirs d'enfance à partir d'objets qui ressemblent à une loterie, une loterie étrange, la loterie de la vie. Mais l'inventaire à la Prévert de ces objets, qui sont autant de petits chapitres du récit, n'est guère exhaustif.
C'est égal. Il y a déjà de quoi restituer des pans entier de son enfance singulière. Car le narrateur est le petit dernier d'une fratrie de trois garçons. Bien qu'il soit l'objet de toutes les attentions de sa mère, il n'est pas sûr que ce soit un avantage.
Parmi ces objets il en est un qui se détache des autres. Il s'agit d'une photographie, laquelle donne son titre au recueil, Les Larmes de ma mère1, qualifiées de flux effrayant, et qui en est en quelque sorte le refrain, entonné cinq fois en sous-titre:
Sur la photographie où on la voit elle et moi, quelques minutes après la naissance, on distingue clairement - malgré le rouge déjà repassé sur les lèvres, malgré le fond de teint déjà re-plaqué sur les joues - on distingue clairement ses yeux mouillés.
La plupart des anecdotes montrent qu'il n'est pas traité comme ses deux aînés, aussi bien par son père, qui l'emmène seul avec lui, que par sa mère, qui semble n'avoir jamais admis qu'elle ait eu encore un fils au lieu de la petite princesse attendue.
Le narrateur termine chaque séquence consacrée à un objet par une adresse à son amante où il tire la leçon du souvenir remonté à la surface de son esprit. Celle-ci ne sera jamais mère, laissera cela aux femmes malheureuses, et lui dira in fine:
Avec moi, les larmes du fils n'existeront pas.
Francis Richard
1 - Paru en 2003, ce roman a obtenu le prix Michel-Dentan et celui des auditeurs de la RTS.
Les larmes de ma mère, Michel Layaz, 176 pages, Zoé
Livres précédemment chroniqués:
Louis Soutter, probablement (2016)
Sans Silke (2019)
Les vies de Chevrolet (2021)