« Vers la violence » est le chemin emprunté par la petite Lou, qui voue un amour immense à son papa, tout en vivant dans la crainte de ce patriarche certes lumineux et drôle, mais qu’un rien fait basculer vers les ténèbres. Une violence plus psychologique que physique, mais une menace constante qui invite à marcher sur un fil, balançant entre le bonheur et ce que certains nommeront une « éducation à la dure ».
Blandine Rinkel dresse donc le portrait d’un père, Gérard, ancien militaire devenu flic, qui tente de transformer sa petite princesse en guerrière aguerrie, capable d’affronter la douleur et ses peurs sans broncher. Une gamine qui joue à je te tiens, tu me tiens par la barbichette, bien décidée à ne pas rire, sachant que la tape qui suivra pourrait bien faire mal. Si celui qu’elle tient par la barbichette a l’art de faire rire n’importe qui, ce sourire carnassier dissimule en effet un loup solitaire et imprévisible.
L’ambiguïté de ce portrait livré par l’autrice dérange autant qu’il fascine. Une dualité qui contribue à entretenir une tension permanente tout au long du livre et qui se retrouve ponctuée par une superbe lettre de Lou à son père, déclarant toute l’admiration qu’elle voue à ce père…tout en lui tournant définitivement le dos. Une violence et une ambiguïté dont héritera cette petite fille devenue danseuse, passion qui allie grâce et féminité, tout en faisant violence au corps.
L’écriture sensible, sincère et incisive de Blandine Rinkel m’a cueilli dès les premières lignes. La première moitié du roman, où la relation père-fille est omniprésente, m’a totalement bouleversé. La phrase d’une violence insoutenable « Je ne veux pas te voir à mon enterrement ! », balancée par un père à sa fillette de cinq ans, m’a mis totalement KO. La deuxième partie du roman, proposant la reconstruction de Lou loin du père, dans les bras de Raphaël, est certes moins intense, mais permet au lecteur et à l’héroïne de se relever tout en constatant les dégâts.
Un roman intense, puissant, profond et percutant, porté par une plume dont je suis dorénavant fan !
Vers la violence, Blandine Rinkel, Fayard, 378 p., 20 €
Elles/ils en parlent également : Stelphique, Lili, Baz’art, Diacritik