Le silence sera-t-il mon seul lot ?
Ne ferai-je plus que me taire sur terre ?
Mon Dieu, mais je ne sais même plus qui je suis.
Suis-je poète, ou homme en perdition ?
Telles ces années décrépites depuis longtemps
tombées dans le sein de la terre,
mes yeux abandonnés par mon cœur
errent sans vie de par le monde.
Là où dans l’éclat vif de la lumière
voltigeait la vie d’un papillon merveilleux
un feu muet se débat dans une poitrine muette
sans allumer à la bouche une chanson.
Jour après jour, de jour en jour le chant s’amenuise.
Parfois de-ci de-là siffle un regret :
Ma bouche, où t’ai-je perdue ?
Et toi, poème, où t’ai-je égaré ?
***
Milan Rúfus (1928-2009) – L’inquiétude du cœur (La Différence/Unesco, 2002) – Traduit du slovaque par Arlette Cornevin.