Il n’aura pas eu le temps de filmer les obsèques de Queen Elizabeth ! Il est mort dans la foulée du trépas monarchique.
Oui, Jean-Luc Godard est mort, à bout de souffle, ce 13 septembre.
Né le 3 décembre 1930, à Paris, le petit Jean-Luc va vite se retrouver en Helvétie, à Nyon plus exactement ! Dès lors Nyon lui ouvre les yeux sur la beauté suisse. Il y fait ses études et obtient le diplôme du collège. Puis, ses parents l’envoient à Paris pour décrocher le bac ! Mais ils divorcent, débordés par le mépris ! Il se retrouve abandonné et voit son bac à ras tant les crises talent ses fruits de recherche culturelle.
Il fréquente alors les cinémas. Puis, il va s’intégrer dans l’équipe de la gazette du cinéma et publie, à 19 ans, ses premiers textes critiques qui sont, pour lui, de haut vol !
En parlant de vol, c’est un adepte de la cleptomanie. Il vole à tout va. Ainsi, en 1953, il vole dans la caisse de la télévision suisse et se tape trois nuits en prison, dans le noir du temps (segment de Ten Minutes Olders, film collectif de 2002).
Pour éviter de partir en Indochine, jouer au petit soldat, Jean-Luc opte pour la nationalité suisse, à l’âge de sa majorité.
- Genevois que cela à faire, lance-t-il !
Il réalise un documentaire sur le chantier du barrage de la Grande-Dixence, en Valais. Un film qui ne fera pas couler beaucoup d’eau.
Il est temps de passer aux choses sérieuses : réaliser des vrais films ! Avec des acteurs ! Il va donc s’y mettre et réaliser « à bout de souffle » (déjà cité en début de ce billet) et mettre en valeur un de ses acteurs préférés : Jean-Paul Belmondo !
Puis il tourne «Le petit soldat », un vrai coup de Massu pour l’armée française qui y voit une tentative de déstabilisation pour les pauvres types envoyés en Algérie. Cette œuvre n’est pas osée vainement !
Dans ce film, brille Anna Karina, une jeune femme talentueuse qu’il aura l’occasion de faire tourner dans moult films : Une femme est une femme (1961), Vivre sa vie (1962) Pierrot le fou (1965) Alphaville (1965) Made in Usa (1966).
Complètement ancré dans la nouvelle vague, avec Truffaut ou encore Chabrol, il va chercher à réinventer la forme narrative du cinéma.
Ainsi, dans « le mépris » (oui, je sais, déjà cité au début de mon récit ! C’est décousu, mais c’est comme du Godard !), le réalisateur va transformer une histoire d’amour, somme toute banale, en transformant la narration classique et hollywoodienne. Il le fera en intellectualisant la rupture amoureuse et en donnant une dimension mythologique à l’homme, et humaine aux dieux, à travers la figure de Fritz Lang, metteur en scène cherchant à adapter Ulysse et l’Odyssée !
Dans ce film, Brigitte Bardot demande à Piccoli : - et mes fesses, tu les aimes mes fesses ? Phrase culte qui ne devrait pas occulter le reste des séquences de ce grand film, un des plus romanesques de Godard. Je l’ai encore redit à mon petit voisin, Ali, qui y voit un film de cul ! C’est très réducteur ! Il faut bien qu’Ali pige !
Mais brusquement son moi s’accroche à Mao et il tourne « La chinoise et le Week-end » (1967) ! Un film finalement mal perçu par les maoïstes qui se voient représentés comme de jeunes bourgeois qui jouent aux révolutionnaires. Leur colère se livre, rouge !
Cette période maoïste ne dure pas pour éviter qu’en chie noise ! Jean-Luc entame alors une période vidéo, de 1973 à 1979 ! Il fera des films pour la télévision, comme « six fois deux » où il se met en scène en tant qu’interviewer d’un paysan, d’un journaliste, ou encore d’un horloger adepte du super 8, qui lui dit que son métier est passionnant mais que la caméra aussi l’est !
En 1980, il revient à un cinéma plus grand public qui attire des acteurs de renom. Il est sélectionné au Festival de Cannes trois fois pour Sauve qui peut la vie (1980), avec Isabelle Huppert, Passion (1982), avec la même Isabelle, et Détective (1985) avec Johnny Halliday et Nathalie Baye avant qu’ils ne se séparent en 1986 ! Il obtient le Lion d'or au Festival de Venise pour Prénom Carmen (1983) un film qui trompe son monde car la bande musicale ne vient pas de Bizet mais de Beethoven !
Dans les années 90 et 2000, Godard fait un retour à l'expérimentation avec Histoire(s) du cinéma (1998) et Eloge de l'amour (2001). Dans sa perpétuelle volonté de "peindre les choses qui sont derrière les choses", Jean-Luc Godard est un véritable novateur ! Sauf pour le clergé qui y voit un hérétique de première avec la sortie du film « Je vous salue Marie » (1985) ! Il faut dire que le réalisateur a la main lourde en transformant Marie en fiancée d’un chauffeur de taxi qui ignore qu’elle est enceinte. En matière d’apparition ironique le réalisateur ne tourne pas autour du Pau.
En 2010, il réalise Film Socialisme, qui suit des voyageurs sur une croisière en Méditerranée. C’est plutôt « la croisière s’amuse », en lieu de consommation ! Un socialisme où le mot rose n’a plus cours.
Le réalisateur s'intéresse ensuite à la 3D ; son film Adieu au langage est auréolé du Prix de Jury au Festival de Cannes en 2014 ! On y retrouve la patte de l’auteur : mouvements de caméra, son mal synchronisé, mise en abime… C’est l’histoire filmée en 3D d’un chien qui parle à la place de ses maîtres ! On pourrait presque y voir un clin d’œil à Devos : - Mon chien c’est quelqu’un !
Voilà, caché derrière ses lunettes noires, le trublion du 7ème art français s’en est allé, de plein gré, parce qu’épuisé. Ballotant entre le cinéma populaire, voire mineur et la recherche de l’élitisme, naviguant entre dandysme de droite et gauchisme enflammé, le réalisateur en aura désorienté plus d’un !
Il laisse une œuvre polymorphe où se mêlent poésie, absurde, cheminements ésotériques et culture des paradoxes. Ses détracteurs en retirent des positions radicales, ses admirateurs aussi. Une œuvre riche qui parle beaucoup de l’évolution du cinéma et de la force des images, dans ce qu’elles disent et dans ce qu’elles ne disent pas.
Salut l’artiste !