Le phénomène n'est pas immédiatement visible pour l'observateur occasionnel mais, après un pic (passé depuis quelques années), l'innovation perd rapidement sa place dans les stratégies des institutions financières. Dans le cas d'ING, l'annonce d'une réforme de son approche peine à masquer ses velléités de désengagement.
En pratique, la transition était discrètement enclenchée dès le début de 2021, avec la mise sur pied de la structure dédiée « ING Neo ». Bien que centralisée et dotée de moyens indépendants, celle-ci se positionnait comme une sorte de catalyseur des initiatives (généralement incrémentales) menées dans les départements opérationnels de la banque (par des collaborateurs ayant tous vocation à contribuer), sur lesquelles elle s'appuyait, le cas échéant, pour mener des démarches de transformation de rupture.
À peine 18 mois plus tard, « ING Neo » disparaît en tant qu'entité autonome et son équipe, probablement dégraissée au passage, est intégrée au sein du service consacré à la stratégie d'entreprise, dans laquelle sa mission, de toute évidence beaucoup plus superficielle (et de fait relativement déconnectée du terrain), se limitera désormais à l'exploration des opportunités de long terme. Selon leur potentiel, ses différents projets en cours seront soit repris par les directions fonctionnelles, soit cédés, soit liquidés.
Afin de sauver les apparences, le directeur général d'ING, qui, ironiquement, vante le passé glorieux du groupe (surtout de son prédécesseur) en la matière, affirme que l'efficacité, notamment dans l'amélioration de l'expérience client et la focalisation sur le développement durable, exige de déplacer le centre de gravité de l'innovation au plus près des métiers. Ce prolongement à l'extrême du slogan historique qui accompagnait « ING Neo » (« l'innovation est l'affaire de tous ») n'est hélas que poudre aux yeux.
Comment croire, en effet, que les salariés des premières lignes et leur hiérarchie placeront une quelconque priorité sur des expérimentations et autres tentatives de changement aux résultats hypothétiques par rapport à leurs tâches habituelles, s'ils ne sont pas constamment inspirés, encouragés et aidés par un groupe de spécialistes capables de prendre le recul nécessaire ? Voilà un idéal que toute organisation aimerait atteindre mais il requiert une révolution culturelle… qu'ING n'a pas encore effectuée.
Au-delà de l'exemple spécifique, c'est tout un secteur qui est en train de remiser progressivement ses ambitions de transformation, nées avec la crise de 2008 et l'émergence de la FinTech, et aujourd'hui considérées comme devenues inutiles, parce que les sentiments anti-banque se sont estompés dans la population et que les startups se sont muées en partenaires. Il s'agit pourtant d'une voie dangereuse… qui oublie les besoins et les attentes des clients alors que ceux-ci évoluent plus vite que jamais.