Et moi, ô nuit, interminable nuit, mon tendre amour
que pouvais-je opposer d’autre à tes louveteaux ? Un
cheval galeux, des armes dérisoires, un corps décharné
que faisaient souffrir le clair de lune et tes lauriers-roses.
J’ai vécu de ce presque rien. Magasinier et portefaix par nécessité, écrivant des vers pour les tombes
sans le lait concentré pour l’enfant et les murs
pleurant de chagrin moisissure et scorpions.
Et moi, ô nuit, implacable nuit, sévère amante
avec tes chants du peuple, tes épilepsies, tes hôpitaux psychiatriques bon marché
je m’épuise et deviens dangereux pour la vie que je n’ai pas vécue — à présent
je m’allonge dans les caniveaux des avenues avec les chiens qu’on tue et j’attends
la confession de Dieu. Et dans ma léthargie sans cesse, je vois, ressuscitée
écrire la main coupée de Cervantès.
***
Dimìtris Angelis (né en 1973 à Athènes, Grèce) – Traduit du grec par Michel Volkovitch.