Ne vous y trompez pas. Ce n’est pas une parole d’écolo enragé mais c’est celle d’un écolo engagé, d’un nanti devenu écolo. J’ai écrit « scandale », mais j’aurais pu dire « honte ».
Car voilà des élus, des « grands », après nous nous avoir rigolé au nez ou traité par le mépris, puis avoir utilisé les grands mots, « khmers verts », « écologie punitive »… découvrent, du bout des lèvres certes, les vertus de la sobriété ! Faut-il en rire ou en pleurer ?
Car voilà des chefs d’entreprises qui, à l’appel de la première ministre le 29 août à l’hippodrome de Longchamp, sont devenus brutalement prompts à demander l’aide de l’Etat pour économiser 10% d’énergie !
Eux les puissants, les intelligents, les cultivés, les informés, ils n’ont rien vu venir ! Ce qui nous crevait les yeux leur bouchait les oreilles ! C’est une « faute », vous en conviendrez ? Faute, honte, scandale… il est temps qu’ils fassent profil bas… et se mettent au travail.
Les renvoyer à la maison ? La tentation est grande d’arrêter de prendre les mêmes, de renvoyer ces équipes qui perdent, de faire enfin table rase d’un passé qui n’a que trop duré.
La tentation est grande de renvoyer ces apôtres du « progrès », dont la révélation tardive, malgré les avertissements des scientifiques qui font autorité, consiste à nous imposer une sorte de sobriété subie quand nous, sur le terrain, cherchons, à tâtons certes, à imaginer une sobriété choisie… heureuse et constructive.
Rêvons sans être de doux rêveurs ?
C’est à eux de rattraper le retard. Gardons-les. Car ils en ont la capacité à défaut d’une vraie volonté... alors que d’autres, s’ils ont la volonté n’en ont pas forcément la vraie capacité.
C’est à nous d’imposer ce qui peut faire une vie meilleure, un futur désirable nécessairement écologique et solidaire.
C’est à eux, au sommet, de conjuguer incitation, éducation, coercition…
C’est à nous, sur le terrain, au quotidien, avec les élus de terrain, de rendre cette sobriété concrètement enviable. C’est donc à nous d’imposer cette volonté qui fait défaut depuis longtemps.
Méfions-nous du père noël ? Méfions-nous du « miracle technologique » qui va nous sauver… ou plutôt qui va les sauver.
Méfions-nous du « mirage technologique », celui par exemple de la voiture électrique et du nucléaire, qui seront probablement deux des prochains scandales… et qui vont en partie de pair.
Méfions-nous aussi des « mauvaises greens » qui veulent rejeter le bébé avec l’eau du bain.
Mais fions-nous à un certain « discernement technologique » qui passe nécessairement par des choix authentiquement démocratiques contre la volonté des marchands et des puissants.
Pour que ces lignes ne soient pas que des mots et des maux Cet été 2022 aura sans doute été « heureusement » révélateur.
Cet été 2022 va-t-il suffire pour nous faire changer de braquet, au sommet ET sur le terrain ? Dans leur politique ? Dans notre façon de vivre ?
Changer de braquet, basculer… tel est le défi auquel nos associations veulent apporter leur imagination, leur énergie, leur soutien et leur expertise.
Ce n’est pas gagné et le nouveau et dangereux scandale, dont nous serions tous responsables dès lors, serait de se contenter de peu.
Jean-Louis Virat
Laboratoire des Transitions, Ecologie au Quotidien
Co-Fondateur de LIBR'ACTEURS