Sally Gabori, Fondation Cartier, Paris

Publié le 08 septembre 2022 par Doudonleblog

Jusqu’au 6 novembre, la Fondation Cartier, à Paris, accueille des oeuvres de la peintre aborigène Sally Gabori (de son vrai nom Mirdidingkingathi Juwarnda). 11-20h. fermé le lundi.

Thundi 2010

Deux façons d’aborder la peinture de Sally Gabori. -1 La première, simplement: entrer dedans, nager avec le courant, se laisser aller entre blocs, flux, écume, vagues, jaillissements… Les couleurs et les grands coups de pinceaux sont suffisamment entraînants pour ça. Les grands formats (jusqu’à 6 m de long!) aident à cela. Se contenter du plaisir de rencontrer une œuvre abstraite, puissante et très personnelle. [A savoir, ne vous attendez pas à de l’art aborigène tel qu’on le connait en occident. Pas du tout. Cette artiste a vécu hors des circuits! ]

-2 La deuxième, c’est d’apprendre à mieux connaitre cette étrange vieille dame artiste, née dans une petite île australienne vers 1924, membre d’une toute petite communauté (kaiadilt) isolée, vivant de pêche et de cultures de pommes de terre, puis exilée de sa terre natale contre sa volonté (un tsunami en 1948), et ouverte soudain à la peinture vers 80 ans (elle est morte en 2015).

Nyinyilki 2009 un extrait d’une des toiles !

Alors, peu à peu, on sent autre chose naître dans notre rapport à sa peinture.

Ce n’est pas de l’abstraction. Ce sont les paysages de son île. La mer, la terre, le ciel, les murets construits pour piéger les poissons (épaisses lignes noires) etc. Ce sont les sensations et les impressions que Sally Gabori a conservé en elle de sa vie « d’avant », les légendes, les chants, la famille, le travail et la communion avec la nature, les couchers de soleil, les intempéries, la végétation, les lumières du lagon… Elle les restitue en peinture. En couleurs. Avec un geste vrai, pur, sincère, énergique. Et, souvent, elle a comme une vision aérienne, comme si elle peignait en lévitation au-dessus de son pays: ses toiles évoquent alors une cartographie des lieux.

Thundi 2010

Ce sont donc des témoignages. Mais, en même temps, c’est un extraordinaire travail d’artiste. Elle qui n’a guère eu le temps d’apprendre (dans des cours de peinture de sa maison de retraite!), qui ne sait ni lire ni écrire, qui parle la langue kayadirt (que plus personne ne comprend), elle construit une vraie oeuvre qui sera reconnue et exposée!

Petites choses à savoir (ou pas! comme vous voulez!): – On peut regarder les toiles dans tous les sens. L’accrochage, ici, est aléatoire. Parfois, Sally Gabori peignait d’ailleurs en tournant sa toile. –Sally Gabori n’attendait pas que sèche la première couche de peinture acrylique (peut-être par choix ou peut-être par urgence de peindre). Elle laissait muer et muter les couleurs entre elles. -Certaines toiles présentées dans cette exposition sont collectives, faites avec ses filles ou des femmes de la communauté.

Sweers Islands 2008 (peinture collective)