Cunégonde en Antarctique 6

Publié le 13 août 2008 par Porky

Une plaine glacée de l’Antarctique. Neige et vent violent. On ne voit rien du décor.

Scène 6

Les mêmes, dans un état d’esprit assez divers, marchent dans la neige et la glace contre vents et marées.

LA LANGOUREUSE ARIELLE (pliée en deux)

Ah punaise de bois ! Mon sang est congelé.

Marcher est un supplice et la neige est glacée.

Ces atroces vautours ont comploté ma mort

Et veulent à Satan renvoyer tout mon corps.

LA MADONE (Derrière elle)

Avance et ferme-là.

LANLAN

   C’est vrai qu’il fait très froid.

CUNEGONDE (Vaillante)

Un peu de vent du Nord et c’est le désarroi !

Regarde-moi Lanlan : ai-je l’air souffreteux ?

LANLAN

Je reconnais que non. Mais Fifi est piteux.

FIFI

Essaie donc d’avancer dans ce maudit blizzard

Avec pour seul habit une veste en lézard !

CUNEGONDE

Cela prouve Fifi que vous êtes idiot :

Débarque-t-on ici en tong et en maillot ?

DAKTARI

Ma cape, Dieu merci, me protège du vent.

LA MADONE

Mais n’en reste pas moins un affreux vêtement.

DAKTARI

Peut-on être élégant dans un milieu pareil ?

LA MADONE

On peut s’emmitoufler dans un bel appareil.

Ce qui n’est pas ton cas.

CUNEGONDE (s’arrêtant)

   Es-tu sûre, Rosie

D’avoir le bon chemin vers la Régente pris ?

ROSIE

C’est un bon raccourci. Nous allons arriver.

LA LANGOUREUSE

Dans une heure, demain ? Ou bien dans une année ?

LA MADONE

Comme de guerroyer te voilà bien pressée.

LA LANGOUREUSE ARIELLE

Mon nez est un geyser et je suis fatiguée.

LANLAN (galant)

Appuyez-vous sur moi, ô jeune fille en fleur.

Donnez-moi votre bras, vous vaincrez votre peur.

LA LANGOUREUSE ARIELLE

Je n’ai certes pas peur mais je caille vraiment.

LANLAN

Serrez-vous contre moi : mon feu est très ardent.

LA MADONE

Le voilà qui commence à dire des sottises.

Son feu n’a rien d’ardent, c’est à peine une brise.

Appelle-t-on brasier une pauvre allumette

Qui s’enflamme soudain et que bientôt l’on jette ?

ROSIE

Je vois là, devant nous, le refuge attendu.

Entrons-nous un instant ?

CUNEGONDE

   Non pas. On continue.

LA LANGOUREUSE ARIELLE    (Au désespoir)

Mais nous allons claquer, moi je vous le prédis.

Et pas dans quarante ans.

FIFI

   J’ai les doigts tout raidis.

Un moment de repos serait le bienvenu.

De la chaleur, aussi. Vraiment, je n’en puis plus.

CUNEGONDE

Il fallait bien songer avant que de me suivre

Que vous seriez ici environné de givre.

Cessez donc de vous plaindre et hâtez la cadence.

La Reine nous attend. Soignons son Eminence.

(Redoublement de vent, de neige et de tourbillons glacés. Rosie, qui marchait en tête, s’arrête.)

ROSIE (Ennuyée)

Je suis perdue, je crois. Car nous aurions dû voir

Depuis un bon moment la porte du manoir.

LA MADONE

Alors là, compliments !

LANLAN

   Notre mort est certaine.

CUNEGONDE

Réfléchis bien, Rosie, et laisse tes mitaines.

D’après toi quel chemin fallait-il emprunter ?

N’aurait-il pas fallu sur la gauche tourner ?

Tu as bien su pourtant trouver la bonne entrée

Lorsque de mon vouloir tu fus le messager.

Le palais est tout proche et j’en suis convaincue.

ROSIE (Pleurant)

Hélas, dans ce blizzard, je ne reconnais plus

La route du palais. On a tout modifié.

LA MADONE

Qui, on ? C'est-à-dire ? Neige et glace mêlées ?

Depuis quand l’élément peut changer un décor ?

FIFI (Grelottant de plus en plus)

Qu’on aille n’importe où, mais que l’on bouge encor.

Immobile et debout, j’appartiendrai bientôt

Au clan des trépassés.

LA LANGOUREUSE ARIELLE (Ouvrant sa pelisse) 

   Approche, mon coco.

Près de ta bécasse viens donc te réchauffer.

FIFI (Il hésite puis se précipite vers la Langoureuse )

Tant pis pour les ragots et ma virginité.

(Ils se serrent l’un contre l’autre à l’intérieur de la pelisse.)

LANLAN (Vexé)

Il est plus vieux que moi mais vous le choisissez.

LA LANGOUREUSE ARIELLE

Un conseil, mon grand : soyez d’abord gelé.

LA MADONE (A Lanlan)

Cesse de pleurnicher, tu deviens ridicule.

ROSIE (Pleurant plus fort)

J’ai failli à ma tâche et je suis vraiment nulle.

Cunégonde égarée dans un si mauvais lieu !

Maudis-moi, Président ! Je l’accepte et le veux !

CUNEGONDE

Allons tous au refuge et reposons-nous bien.

Après une heure ou deux, nous serons plus sereins.

(Ils reviennent sur leur pas. La tempête semble se calmer un tout petit peu. On voit un gros igloo à droite.)

(A suivre)