jusqu’au jour, sans majuscule, est-ce à dire au matin, jusqu’aux premières lueurs de l’aube ? ou jusqu’à ce qu’arrive un jour, celui-là attendu, redouté, espéré ? Tout cela est possible dans ce recueil. On y rencontre des migrants qui nous « étrangent ». Mais les poètes « ont cet étrange en partage / qui n’est que l’écoute / qui n’est que l’homme / quand il fleurit ». C’est toute la vie qui passe, cette vie où « les blessures sont éternelles », ces années dont on se demande « qu’avons-nous flétri de nos enfances / qu’elles nous poignent tant ».
S’il y a des ponctuations dans mon texte, elles ne viennent pas des poèmes de Jean Le Boël qui nous les offre à la volée, comme celui-ci :
les merles affairés chantent notre ignorance
le serpent ondule entre les herbes
et la chenille repue s’endort sous la feuille rongée
des bouquets de sauterelles fleurissent
sous les pas indifférents du troupeau
et la colonne des fourmis cure une sage charogne
la vie entière s’ombrage au bord d’un ruisseau
Sans se donner de grands airs, c’est toute le vie que Jean Le Boël dépose sur son passage, sur des pierres, « au bord du flot ».
ce qui tremble encore et frémit sous la vague
ce qui rage et ronchonne dans les roches
ce qui répugne à l’ondoiement de la lumière
ce qui s’effare de l’humilité du sable et de l’eau
ce sont nos peurs
lambeaux et chicots de nos vies noircies
Le poète fait sonner « la musique drue des mots / pour noter la rencontre », car il ne s’agit ici que de cela, de rencontre.