Cristina échappe à un attentat [Actu]

Publié le 02 septembre 2022 par Jyj9icx6

"Un pistolet sur la tête de la démocratie", clame le gros titre
sur cette une sans calembour et complètement redessinée
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Tout le monde ou presque la surnomme CFK (pour Cristina Fernández de Kirchner) et hier, alors qu’en rentrant chez elle, elle saluait la foule de ses partisans qui se tiennent en permanence au pied de son immeuble depuis qu’un procureur a requis contre elle une lourde de peine de prison ferme, un inconnu, de nationalité brésilienne, les mains ornées de tatouages nazis, lui a presque posé sur le visage une arme à feu qui se serait enrayée au moment où il a appuyé sur la gâchette à deux reprises.


"Profonde émotion et horreur"
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Vous imaginez dès lors l’émotion qui s’est emparé du pays et en particulier de son personnel politique et médiatique ainsi qu’au-delà des frontières de tout le sous-continent.

L’homme a été arrêté sur le champ, l’enquête commence. Un procureur s’est aussitôt saisi des faits et il a tout de suite désigné une juge d’instruction. Quant à Cristina, elle a déjà été entendue, chez elle, par la magistrate, pendant environ trois quarts d’heure. Ce matin (heure locale), le service antiterroriste de la police fédérale commençait à auditionner les gardes du corps, les témoins et les habitants de ce coin de Recoleta où l’attentat a eu lieu. Le chef d’accusation devrait être « tentative d’homicide aggravé », ce qui correspondrait en droit français à la qualification de tentative d’assassinat.

"Un Brésilien arrêté pour avoir tiré sur Cristina en visant la tête"
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Sitôt connu l’événement, le président a exprimé sa solidarité avec sa vice-présidente et pris la parole à la télévision et à la radio pour annoncer que ce vendredi serait chômé dans tout le pays (1). Ce qui va sans doute faciliter l’enquête, permettre aux gens de ne pas rencontrer de difficultés graves dans les transports pour aller à leur travail et en revenir et aux soutiens de Cristina comme aux démocrates de toute obédience de manifester publiquement et pacifiquement, avec des risques réduits de dérapage, dans le quartier politique : Congreso, Avenida 9 de Julio, Avenida de Mayo et Plaza de Mayo, sans oublier le siège de la CGT, le syndicat traditionnellement associé au parti péroniste. La plupart des services publics, des banques, des écoles et des universités ont donc fermé leurs portes. Dans la ville de San Martín, dans le Gran Buenos Aires, on a déjà trouvé au domicile du suspect des indices liés à l’attentat, en particulier deux boîtes contenant en tout une centaine de munitions létales.

"Un homme a tenté de tirer sur Cristina Kirchner
en visant la tête"
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Le suspect de 35 ans, déjà connu des services de police, vit en Argentine depuis sa petite enfance. Il travaillait comme chauffeur de voiture particulière non pas à son compte comme beaucoup mais en tant que salarié d’une société de remis(2). Il s’est déjà vu attribuer un avocat d’office qui l’assistera lors de la première audience devant la juge d’instruction cette après-midi, moins de 24 heures après son acte. Il aurait refusé le défenseur que sa famille avait approché. Sur les réseaux sociaux, ces derniers temps, il avait exprimé des opinions qui l’apparentent à la droite la plus antisociale qui soit. D’aucuns parlent déjà de « loup solitaire », ce que les médias d’État contestent avec des arguments solides (on sait bien qu’en matière politique, ce fameux loup solidaire relève presque toujours d’une vue de l’esprit ou d’un simple confort intellectuel pour ceux qui en font état). Un supposé ami du suspect a d’ailleurs déjà témoigné auprès des médias qu’il envisageait de tuer la vice-présidente depuis un bon moment, ajoutant qu’il regrettait qu’il ait autant attendu. Tout l’inverse de ce qu’il se passe d’ordinaire dans un acte terroriste où tous les proches s’étonnent que quelqu’un de si gentil, etc.

Tous les quotidiens argentins font leur une du jour sur cet événement et il est probable que cela restera le cas encore durant quelques jours. Le seul journal argentin à ne pas consacrer ses premières pages intérieures à l’affaire est La Nación qui a préféré les remplir avec l’amélioration inespérée de l’économie brésilienne, quelques semaines avant le premier tour de l’élection présidentielle ! Les articles sur l’attentat n’arrivent qu’en page 10. Stupéfiant !

Les matchs de foot qui devaient être disputés aujourd’hui ont tous été reportés à demain, samedi. La majorité des sportifs et des clubs ont rendu publiques des condamnations de l’attentat et des déclarations en faveur des pratiques démocratiques dans tout le pays. Le pape François a personnellement appelé la vice-présidente et de nombreux chefs d’État (dont Poutine, dont elle reste très proche malgré la guerre en Ukraine) ont envoyé aux autorités argentines des messages de soutien.

"Profonde émotion en Argentine :
on a voulu tuer Cristina", dit le premier quotidien uruguayen
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Un conseil des ministres restreint a été convoqué avec tous les responsables concernés, par compétence ou par poids politique, et le siège du gouvernement a été mis en sécurité renforcée. On attend au cours de l’après-midi une conférence de presse du président Alberto Fernández ou un geste public de sa part. Des manifestations sont attendues jusqu’à lundi un peu partout dans le pays et au premier chef dans la capitale fédérale.

Demain à 14 h, le Congrès national argentin, dont CFK préside la Chambre Haute, doit tenir une séance exceptionnelle pour manifester le rejet officiel de toute violence dans la vie politique. Actuellement en mauvaise posture, à cause de ces douze ans de prison ferme récemment requis contre elle, Cristina n’avait pas été au bout de la séance d’hier au Sénat. Elle avait abandonné la présidence de l’hémicycle juste avant la prise de parole du premier orateur d’opposition afin d’éviter de probables insultes à son encontre. Aujourd’hui, son avocat la dit très affectée par ce qu’elle a vécu hier soir. Si cet attentat est réel, n’importe qui le serait à moins !

"Tentative d'assassinat politique", dit le gros titre


En effet, l’actuelle violence verbale paroxystique dans le débat politique argentin, qui rappelle sans peine les pratiques odieuses qui régnaient en France dans les années 1930, est désignée à gauche comme source d’inspiration du criminel. La violence des propos de Bolsonaro pourrait en être une autre. Comme de troubles psychiques du jeune homme. Depuis plusieurs semaines, Cristina Kirchner faisait état de menaces de mort qui lui étaient adressées, à la suite des propos très sévères du parquet à son encontre, réquisitoires qui ont été développés pendant plusieurs jours de suite et transmis en direct par les chaînes d’info en continu.

Toujours est-il que l’une des plus importantes voix de l’opposition en Argentine, la très droitière Patricia Bullrich, présidente du parti libéral PRO, s’est déjà exprimée par Twitter et elle n’a pas encore eu un seul mot pour condamner l’attentat. Javier Millei, un député libertaire façon Trump qui monte à droite, ne s’est même pas manifesté publiquement. Il est vrai que certains détails sèment le doute chez beaucoup de gens, entre autres la déclaration radiophonique d’hier de Máximo Kirchner, le fils de Cristina, dirigeant d’un groupe politique kirchneriste radicalisé, La Cámpora, connu pour ses positions extrémistes : il avançait que dans les cercles péronistes on craignait qu’un leader de ce courant d’opinion soit prochainement victime d’un meurtre. Comme on sait que Máximo a parfois des mœurs politiques contestables, la coïncidence des deux faits donne à penser à beaucoup de citoyens. Hier, la presse de droite (Clarín et La Nación, pour ne pas les citer) dénonçait un enrichissement illégal, dans d’énormes proportions, de plusieurs hautes personnalités péronistes dont le président lui-même, qui a aussitôt démenti fermement ces informations. Il n’en reste pas moins peu probable que l’attentat, s’il a bien été prémédité depuis un bon moment comme il semble, trouve son motif dans des scoops journalistiques aussi récents. Espérons que l’instruction pourra faire émerger en toute transparence une vérité judiciaire qui ne laissera plus de place au doute, que ce soit dans un sens ou dans l’autre.

"On a tenté d'assassiner Cristina Kirchner à la porte de chez elle"
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Dans le quartier sud de San Telmo où je loge lorsque je suis à Buenos Aires, tout était calme ce matin. Très peu de monde dans la rue, bien moins qu’à 10 h un vendredi normal. La rue Bolívar reste en travaux et les ouvriers sont à l’œuvre ; les marteaux-piqueurs fonctionnaient comme d’habitude ce matin mais se sont tus cet après-midi. Il se pourrait bien que les Portègnes aient profité de ce long week-end inattendu pour s’en aller vers le nord passer trois jours au soleil et jouir de l’actuel calorcito (la douceur du temps presque printanier qui règne déjà sur cette partie de l’Argentine). Depuis environ 13 h, ce calme est toutefois troublé par le vacarme habituel des manifestants qui montent du sud de la ville pour se rassembler sur l’axe Congreso-Casa Rosada.

© Denise Anne Clavilier www.barrio-de-tango.blogspot.com

Pour aller plus loin :

en Argentine
lire l’article principal de Página/12
lire l’article principal de La Prensa
lire l’article principal de Clarín
lire l’article principal de La Nación
en Uruguaylire l’article de El País
lire l’article de El Observador
lire l’article de Diario R. / Multimedios (ex-La República)

(1) Seules les provinces de Jujuy et de Mendoza, gouvernées à droite toute, ont refusé d’appliquer le décret-ordonnance signé hier par le président.

(2) Cela fait un peu peur de savoir qu’un conducteur de remis peut être un repris de justice !