"Un premier pas"..Le plan en six plans (accepté par Moscou et Tbilissi) ne règle aucun problème de fond, mais doit permettre de "donner corps" à un cessez-le-feu encore très fragile et partiel.
Quelle journée ! Et quelles négociations... Le Président Sarkozy, tard cette nuit, a conservé un profil modeste. Pas de triomphalisme. Pas d'autosatisfaction. Pas de fanfaronnade. « C'est un premier pas. Nous n'avions pas à tout régler ici. ». Mais sa « mission impossible » est réussie. « La Russie et la Géorgie ont accepté le plan de cssez-le-feu provisoire proposé par la France. Il y a un texte, il a été accepté à Moscou, il a été accepté ici en Géorgie. J'ai l'accord de tous les protagonistes. ». On est tenté d'applaudir. En espérant, comme lui, que corps sera vite donné au cessez-le-feu, et que cet « accord cadre » sera approuvé par les 27 (aujourd'hui au niveau ministériel), et par le Conseil de sécurité de l'ONU. Avec la pleine conscience que ce « premier pas » doit en entraîner d'autres. Sous peine d'une reprise des hostilités...sur une plus grande échelle peut-être.
Le rôle de Sarkozy n'avait rien d'évident. Il lui fallait concilier l'inconciliable, en tenant compte de ses fonctions actuelles à la président du Conseil de l'UE qui lui imposent de parler au nom de tous les membres de l'Union alors que ceux-ci n'ont ni la même vision, ni la même analyse, ni les mêmes arrière-pensées et ne parlent pas de même voix. Il l'a bien fait, selon un scénario bien préparé par Bernard Kouchner. Chapeau bas
Si l'on veut être exigeant, on peut regretter une petite fausse note : le premier plan de paix (rejeté par Moscou, donc non avalisé par l'ONU) aurait pu (ou du) être fait en liaison plus étroite avec le Kremlin. Mais il ne s'agit là que d'un détail. Dans l'urgence et l'extrême tension qui a prévalu, y compris dans l'organisation de l'emploi du temps, il s'excuse plus que facilement. Les dirigeants russes l'ont compris. Comme ils ont compris que Sarkozy devait aussi compter avec les pressions de Varsovie, des pays baltes, de l'Ukraine et...de Londres. Sans parler de Washington, où Bush (en partie responsable de l'aventurisme géorgien) n'a pas facilité cette tentative de médiation avec ses réquisitoires alimentés par des rumeurs plus que par des informations et un manichéisme peu responsable...Trois facteurs ont encore rendu la tâche de Sarkozy plus complexe encore qu'il pouvait s'y attendre :
>> La confusion sur le terrain avec une curieuse sous-information sur le nombre des victimes, mais aussi un grand flou et des flots de rumeurs sur l'ampleur des opérations conduites par les uns et les autres. Cela a favorisé des réactions passionnelles.
>> La mobilisation, bien orchestrée et soutenue par les Polonais, les Baltes et les Ukrainiens, qui s'est manifestée dans les rues de Tbilissi en cette journée cruciale. Les élans patriotiques mués en réflexes nationalistes ne favorisent guère le sens du compromis. Surtout quand c'est le chef de l'Etat qui donne le « la » avec des mots bien peu adaptés aux réalités des rapports de forces sur le terrain et sur un plan géo-politique
>> L'organisation bi-céphale du pouvoir au Kremlin. Le déjeuner à deux prévu pour uneheure et demie s'est transformé en une rencontre à trois de plus de trois heures.Poutine s'est mposé , en invité-surprise : c'est un signe chargé de sens.
Dans ses conditions, ceux qui, en France, ironisent sur les propos mi-chèvre mi-choux de Sarkozy affichent une bien vilaine méconnaissance des impératifs diplomatiques. Oui, «il est parfaitement normal, que la Russie veuille défendre ses intérêts ainsi que ceux des Russes en Russie et des russophones à l'extérieur de la Russie, il est normal également que la communauté internationale veuille garantir l'intégrité, la souveraineté et l'indépendance de la Géorgie». C'est bien la conciliation de deux qui était (et reste) difficile à faire, les mêmes mots n'ayant pas le même sens dans toutes les langues...
En fait, personne ne pouvait espérer résultat meilleur dans cette « mission impossible » que Sarkozy se devait de tenter, parce qu'effectivement l'Union européenne ne pouvait pas rester passive devant le déchaînement de violence au bord de la Mer noire où donne l'une de ses frontières.
Les «six principes» du cessez-le-feu «provisoire», acceptés à Moscou et à Tbilissi n'ont pas seulement été négociés dans des entretiens successifs. Du bureau de Saakachvili, Sarkozy a du passer plusieurs coups de fil à Medvedev pour qu'il accepte que cet « accord » ne fasse pas d'allusion au « statut futur » de l'Ossétie et de l'Abkhazie. «La solution durable n'a pas été trouvée ». la sagesse a commande de supprimer l'allusion au « statut futur ». Demain est un autre jour... Le plan prévoit seulement « l'ouverture de discussions internationales sur les modalités de sécurité et de stabilité en Abkhazie et en Ossétie du sud »
Pour le reste, le texte reprend les dispositions approuvées plus tôt dans la journée par Dimitri Medvedev, et que Nicolas Sarkozy a de nouveau détaillées à Tbilissi.
Premier point: "Ne pas recourir à la force entre les différents protagonistes", a rappelé le chef d'Etat français. "Ça concerne tout le monde: les Ossètes, les Abkhazes, la Géorgie dans son ensemble, comprenant Ossètes et Abkhazes, et les Russes".
Le plan appelle également à "cesser les hostilités de façon définitive pour passer d'un cessez-le-feu provisoire à un cessez-le-feu définitif", et "à donner libre accès de l'aide humanitaire".
Par ailleurs, "les forces militaires géorgiennes se retireront dans leurs lieux habituels de cantonnement", a expliqué Nicolas Sarkozy, précisant que "le président Sakaachvili a bien voulu nous donner son accord sur cette disposition". Les forces militaires russes devront, elles, "se retirer sur les lignes antérieures au déclenchement des hostilités" en Ossétie du Sud.
Enfin, "dans l'attente d'un mécanisme international, (...) les forces de paix russes mettront en oeuvre à titre provisoire des mesures additionnelles de sécurité". Cette disposition "ne concerne que l'immédiate proximité de l'Ossétie du Sud. Il ne s'agit en aucun cas de mesures additionnelles de sécurité concernant l'ensemble du territoire géorgien", a souligné le président français.
Bon compromis qui ne règle rien sur le fond, mais qui autorise bien des discussions. Si les débats réussissent à être dépassionnés. Des abus de langage sont à déplorer d'un coté comme de l'autre. Le bouillant Sarkozy a fait montre d'un beau sang froid. Les hommages que lui ont rendu les responsables russes et géorgiens sont mérités. Respect et reconnaissance. Pour sa propre crédibilité aussi, cette journée avait valeur de test.
Daniel RIOT
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