" Mon passe-temps favori c’est laisser passer le temps, avoir du temps, prendre son temps, perdre son temps, vivre à contretemps."Françoise Sagan
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".../...le premier roman de Natol Bisq, Plein Soleil.
Une dizaine de narrateurs s’y partagent plus de cinq cent pages d’un
récit aux ambiances tantôt moites, tantôt glaçantes, où la fièvre peut
survenir sous le soleil de plomb d’une plage italienne, comme à la nuit
noire dans une bagnole en pleine course poursuite sur des routes de
campagne, ou lors d’une orgie sous guedro dans un appartement
d’Istanbul." source: Lundi matin
Léa
"Curieux, cet endroit, vraiment. Et je n’arrive pas à dire pourquoi
exactement. Rien d’exact, surtout. Plutôt plein de détails qui suscitent
en moi de petites questions, qui me picotent le cerveau comme le
feraient des gouttelettes de sueur si le cerveau pouvait transpirer.
Trop menus pour m’inciter à questionner quelqu’un, et trop tangibles
pour pouvoir croire qu’ici, tout se passe comme tout passe ailleurs.
Mon regard tombe sur une phrase inscrite sur une feuille traînant sur la
table basse. Le confort : ennemi public nº 1. Il y en a d’autres aussi,
moins déchiffrables, et des gribouillis. La femme assise à ma droite
éclate de rire. Elle s’appelle Natosha Revmira Illioudchenko. Je le sais
parce qu’elle a dû répéter son nom plusieurs fois avant que je
parvienne à le prononcer correctement. L’homme assis à côté d’elle a
enlevé ses chaussures. Il a tenu à me dire son nom complet aussi, mais
je l’ai oublié. Natosha Revmira Illioudchenko, par ailleurs, a tout
d’une femme remarquable mais peu d’une Russe. Peau basanée, lèvres
charnues, fougue méridionale, cheveux gris rasés au centimètre. Et puis
cette douceur généreuse– rare dans les contrées slaves. L’objet de son
rire semble être la chaussette trouée de l’homme. Tous les doigts de son
pied gauche, hormis le plus gros, sont apparents. Je me surprends à
m’étonner que des orteils soignés puissent surgir d’une chaussette aussi
effilochée. Son nom me revient : Enrico, Enrico-quelque-chose. Il a de
beaux doigts de pied, Enrico.
Natosha rit en voyant le bouquet d’orteils s’agiter.
— Oui mais chez toi les trous c’est politique, n’est-ce pas ?
Un franc sourire se dessine sur le visage d’Enrico. Un mouvement de tête, suivi d’un tintement de langue.
— Ouais mais là, franchement, ça devient totalitaire.
Le couple se met à rire aux éclats. Moi je les observe, un sourire
aux lèvres par contagion. Je me remets à inspecter la pièce depuis le
fauteuil où nous sommes assis. La plupart des gens ont terminé de manger
depuis un moment. Le géant qui se nomme Pablito est sorti de sa tanière
et mange sa soupe bruyamment. Entre deux cuillerées, son rire gras fait
vibrer le salon. Avant la soupe, il a avalé son tas de rouleaux de
printemps en deux bouchées, je l’ai vu, en deux bouchées. Il papote avec
les personnes autour de lui. Il n’est pas toujours clair qui parle avec
qui, mais elles ont l’air de bien se marrer.
Il reste une dizaine d’individus dans le salon, Ali s’est éclipsé. Et
moi, c’est malin, je suis tombée sur le seul couple de la pièce qui
n’arrête pas les entre-deux. Ils se taquinent, se mesurent des yeux,
s’esquivent des lèvres. Les mains sous les vêtements aussi, mais je n’ai
pas envie de vérifier. J’en ai le souffle court, tout à coup. Une
bouffée de jalousie est venue remplacer l’air dans ma cage thoracique.
Je dévie à nouveau le regard. La salle parsemée de fauteuils élimés et
d’abat-jours maladroits. Le vieux plancher. Les odeurs de cuisine se
dissipent, les rires d’amitié s’effacent et les bouteilles de vin vides.
Quelques conversations en sourdine emmitouflent l’espace, la nuit se
faufile entre les pieds des meubles. Doucement, la soirée s’étiole. Les
poêles paisiblement régissent le salon.
Et moi, médusée.
Un centre d’oblitération, ici ? La maison de vacances d’une bande de
potes fauchés, oui, un vieux bar de campagne. Un repaire d’artistes tout
au plus, mais alors là, rien d’un foyer de résistance. Improbable qu’il
puisse se passer autre chose que rien, ici...
Et si Ali s’était payé ma tête ? On ne fait pas la guerre avec des
rouleaux de printemps, quand même. Bon, je demande à Natosha Revmira
Illioudchenko. Mais tout doux. J’attends qu’elle se délie d’Enrico pour
respirer, avant de lui toucher l’épaule. Elle se retourne, joues
rougeoyantes, empreintes de rires dans le visage, mais sans se montrer
dérangée. Les yeux de jais qu’elle a, cette
femme ! Des obsidiennes à peine refroidies. Je vois, derrière elle,
Enrico saisir l’occasion pour filer. Natosha esquisse un mouvement de la
tête, mais ne dit rien. Sa canine mordille sa lèvre inférieure. Je ne
parviens pas à interpréter le regard qu’elle me lance. Comme si c’était
l’homme qui l’agaçait et non moi qui les dérange.
— Qu’est-ce que tu disais ?
Je n’ai encore rien dit.
— Je me demandais combien de personnes vivent ici.
La grimace qu’elle m’offre en répétant la question semble indiquer que la réponse est difficile à dire. Ça varie beaucoup.
Elle rit.
— Mais le manoir est un lieu de passage, poursuit-elle. Je pense qu’une douzaine de personnes logent ici en ce moment. Une dizaine d’autres éparpillées dans le reste du village.
— Ah, vous avez plusieurs maisons ?
— Façon de parler, oui, le village est presque abandonné. Le manoir, c’est la cantine, l’auberge... la cour de récré, enfin.
Cette femme a le rire léger, c’est contagieux. Je lui demande si ça
fait longtemps qu’elle est ici. Elle répond que non, elle a deux enfants
et un mari à Batoumi, mais ils vont déménager à Moscou. Elle est venue
au cas où, précise-t-elle avec une pointe de dépit dans le regard. Je ne
comprends pas à quoi elle fait allusion. J’attends qu’elle développe,
mais rien d’autre ne semble venir. Le sourire tendre et un peu triste de
Natosha recouvre le salon. J’apprends ensuite qu’elle est une sorte
d’ingénieure, car elle vient tester le matériel que « Ali et toi » avons
apporté ce soir. Son menton désigne les caisses entassées à côté de la
porte. En haut de
la pile, une caisse est ouverte. Je vois des bananes jaunes, du pain
brun et des légumes verts. J’hésite un moment avant de poursuivre.
— Vous touchez tous à l’informatique ici, alors ?
Elle rit.
— Chacun à sa façon... Désolée, d’ailleurs, de vous avoir fait attendre tout à l’heure, j’étais distraite.
Suite à l’expression d’incompréhension sur mon visage, elle explique qu’elle était chargée du monitoring aujourd’hui. Je mets un moment à saisir qu’elle fait référence au fait que, apparemment, Ali et moi avons dû attendre un signe de sa part. Une sorte de feu vert qu’Ali guettait depuis la voiture, quand nous étions à l’arrêt devant la petite chapelle. « Alan » aurait dû m’expliquer. Je réponds sur un ton un poil vexé qu’ « Alan » ne m’a rien expliqué du tout. À part la raison pour laquelle je suis là, je ne sais rien de cet endroit. Étonnée, elle me demande si je ne connais personne au Manoir. L’expression sur mon visage doit être assez parlante, car elle pousse un petit cri de joie et, après avoir blâmé Ali pour son accueil déplorable, elle me lance un regard entendu.
— Excuse-le, il doit avoir trop de choses à gérer en ce moment. Ensuite elle se penche vers moi avec un sourire roublard. Ses yeux noirs pétillent comme si elle venait de gagner un prix à la tombola.
— Y a pas mal d’autres gens connus, figure-toi, Alan n’est pas le seul. Et des méconnaissables, aussi, tiens. Lui-là, celui au rire d’ogre, tu ne peux pas le rater, c’est Pablito. Doux comme un lapin, d’origine dominicaine, il a été pirate dans la Mer des Caraïbes et le Détroit de Malacca pendant ses années de jeunesse. Il se planque ici depuis quelque temps. Un as de la cuisine et de la coordination
stratégique. Recherché pour piraterie, vol de cargo et sabotage, il a débarqué ici pour se faire oblitérer. On ne sait toujours pas par quelle voie obscure il a découvert le Manoir. Un jour, il a échoué ici. Depuis, il est devenu pirate en d’autres mers.
Elle rit affectueusement, puis fait un signe du menton avant de poursuivre."
.../...Natol Bisq extrait de: "Conspirations caniculaires" la SUITE chez: Lundi Matin \\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\[[[[[[[[[[[[[[[[["Notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres."Marcel Proust
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" La P’Art Belle, festival éco-responsable & artistique, se déroule pour sa 3e édition les 3 et 4 septembre 2022 au sein du domaine de Kerlevenan, à Sarzeau. Cette année la thématique se portera sur la protection des océans et du littoral breton." Source et INFOS
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" Nos désirs ont déjà traversé bien des mondes ;
Ils ne se sont jamais rassasiés
Et la nature entière se tourmente,
Entre soif de repos et soif de volupté."André Gide