Les dinosaures s'unissent pour mourir

Publié le 30 août 2022 par Patriceb @cestpasmonidee
Que faut-il penser quand deux anciennes stars du logiciel d'entreprise telles qu'OpenText et Micro Focus, qui n'ont guère plus en commun que leurs portefeuilles de clients, annoncent leur projet de fusion ? Vraisemblablement que leurs offres vieillissantes arrivent en fin de vie et que leurs utilisateurs passent enfin à l'ère de la « digitalisation ».
Les deux éditeurs opèrent sur des marchés radicalement différents. En effet, historiquement, OpenText était un fournisseur de solutions de gestion de documents et de contenus web en vogue à partir de la fin des années 90, tandis que Micro Focus a connu son heure de gloire vers la même époque avec ses produits d'émulation des grands systèmes IBM (les fameux « mainframes »), facilitant le développement d'applications pour ces matériels, puis autorisant leur déploiement sur des machines banalisées.
Non seulement leurs catalogues – étoffés entre temps, de part et d'autre, par diverses acquisitions qui n'ont jamais réellement réussi à rafraîchir leur proposition de valeur (et leur image) – n'ont rien à partager mais, en outre, les interlocuteurs auxquels ils s'adressent dans les organisations appartiennent à des départements distincts, en sorte que les opportunités de synergies mises en avant (à hauteur de 100 millions de dollars pour un achat à 6 milliards) paraissent optimistes, même dans le domaine commercial.
Il reste donc, au moment de justifier l'opération auprès des investisseurs, le volume combiné des ventes de deux leaders d'antan, qui, à défaut de disposer d'une stratégie d'expansion quelconque, possèdent un seul avantage : avoir imposé leur présence dans les plus grands groupes internationaux, en particulier dans le secteur financier, et y bénéficier d'une position quasiment inamovible… du moins tant qu'ils n'engagent pas la modernisation de fond en comble pourtant si nécessaire, voire urgente.
Cependant, le rapprochement, souhaité par les deux parties, émet également un signal de nervosité dans leurs rangs, traduisant certainement un avenir bouché à un terme qui se rapproche inexorablement. Leur modèle sans perspective de croissance solide ne survit que par le maintien du statu quo chez leurs clients et peut-être celui-ci est-il justement en train de s'effondrer à une échelle suffisante pour que des mesures de précaution soient prises avant une chute plus ou moins brutale des revenus ?
Une vingtaine d'années après leur apogée et en l'absence de renouvellement de leurs catalogues, OpenText et Micro Focus (avec quelques autres) commencent probablement à perdre leur influence au sein des entreprises où ils étaient auparavant incontournables. Voilà une excellente nouvelle pour l'indispensable transformation « digitale » de ces dernières, dont on se demande comment elle pouvait être envisagée sans une remise en cause préalable des briques fondamentales de leur parc logiciel…