Une opérette à Ravensbruck, mise en scène de Claudine Van Beneden au Théâtre du Chien qui Fume (Avignon 2022)

Par A Bride Abattue @abrideabattue
Depuis que le Théâtre Notre-Dame en a eu l’initiative, presque tous proposent les générales de leurs spectacles en accès libre (dans la limite des places disponible) la veille du lancement officiel du festival Off, donc aujourd’hui mercredi.
Pour ma part je passerai l’essentiel de ma journée du 6 juillet au Théâtre du Chien qui fume avant de m’éclipser pour l’inauguration de La Scala Provence en fin d’après-midi. Très chouette journée qui commença en beauté à 10 heures 30 avec une pièce sur un sujet tragique, la déportation des femmes pendant la Seconde guerre mondiale mais traité magistralement par Claudine Van Beneden.Son Opérette à Ravensbruck restitue amplement - et bien au-delà de ce qu'on appelle aujourd'hui le devoir de mémoire- toutes les dimensions humoristiques voulues par l’auteure, Germaine Tillion (1907- 2008, ethnologue et résistante française entrée au Panthéon en 2015) dans Le verfügbar aux enfers qu'elle avait écrite clandestinement avec ses compagnes de détention au camp de Ravensbrück.Alors qu’elle et ses camarades étaient dans un enfer dont on connait des images atroces, elle nous raconte avec légèreté « une histoire sans importance où tout disparaît dans la nuit ».Pour ce faire elle a choisi de faire parodier - et on remarquera que c'est un homme qui joue ce rôle- une pseudo conférence ethnologique sur une espèce en voie de disparition, le verfügbar qui est la métaphore des déportées. Les séquences naturalistes alternent donc sous forme de leçon de choses avec pupitre et tableau interactif.En riant de ce qui est lamentable, c’est la folie des hommes qui se trouve un temps mise à l’écart pour laisser place à ce qu’il y a de plus beau : l’entraide, la solidarité, l’appétit de vivre et de transmettre.Cette opérette est un monument d’humour noir, et bien sûr un acte de résistance dans le plus pur sens du terme, avec un paroxysme de la métaphore qui fait ricochet dans nos mémoires et notre coeur.Les comédiennes sont formidables, osant tous les costumes, lesquels évoquent (mais en neuf) ceux qu'on portait à l'époque, y compris le maillot de bains, vêtement ô combien représentatif de la superficialité d'une existence oisive.Germaine Tillion utilisa le second degré pour déboulonner l’horreur. Claudine le porte au troisième niveau pour nous réjouir. Sa mise en scène est d’une précision remarquable avec un dosage exemplaire de séquences jouées, chantées, parlées et dansées.Son adaptation est juste formidable en respectant le texte intégral tout en nous offrant des pépites. La cover d’Au clair de la lune débordante de sex-appeal est digne d’une soirée.Le pastiche de la fable de La Fontaine, Le laboureur et ses enfants, récité de voix de maitre (maitresse en l’occurrence), mériterait d’entrer dans les programmes du Bac (où il serait sans doute mieux accepté que le texte de Sylvie Germain auquel les jeunes ont été confrontés en juin).La scène des julots est réjouissante (et instructive). L’emploi des plumes d’autruche pour faire glisser les rutabagas est une idée formidable. Le partage du pain est d'une émotion troublante.On aurait envie de danser le French cancan comme ces filles là !Onirique, poétique, dramatique, il y a tout dans ce spectacle. Sauf le public, ce matin, puisque nous étions les témoins privilégiés d’un filage privé. Avec les rires et les applaudissements qui fuseront à la fin de chaque tableau cette opérette sera un des temps forts du Off ! Vous êtes prévenus. Ne la manquez pas !Une opérette à Ravensbruck, adaptation et mise en scène de Claudine Van BenedenD'après «  Le Verfügbar aux enfers » de Germaine Tillion parue aux Editions de La Martinière 2015 Avec Solène Angeloni, Angeline Bouille, Isabelle Desmero, Barbara Galtier, Claudine Van Beneden et Raphaël Fernandez/ Musicien : Grégoire Béranger.Arrangements musicaux : Grégoire Béranger et Jean AdamScénographie : Blandine VieillotCostume : Marie AmpeSon : Manu GiroudCréation lumières : Hervé BontempsChorégraphie : Jérémy Pappalardo
Spectacle vu le mercredi 6 juillet 2022 au Théâtre du Chien qui Fume. Article rédigé après mon retour, à partir de mes notes et des publications faites chaque jour sur la page Facebook À bride abattue, rendant compte des spectacles vus la veille, aussi bien dans le In, que le Off ou le If. Les meilleures photos de la journée étaient publiées sur mon compte Facebook Marie-Claire Poirier peu après dans la matinée.Les deux photos qui ne sont pas logotypes A bride abattue proviennent du site de la Compagnie Nosferatu que je remercie (nom du photographe non mentionné).