Quatrième de couverture :
On croit bien connaître Kurt Wallander, enquêteur solitaire hanté par la mort… Savons-nous comment le jeune agent hésitant et sans méthode, qui se demandait s’il serait un jour un bon flic, est devenu le commissaire d’Ystad ? Réparties sur une vingtaine d’années, ces enquêtes reviennent au point d’origine : cette première affaire, en 1969, où Wallander échappe de peu à la mort.
De Henning Mankell, j’ai lu et aimé Les chaussures italiennes et Les bottes suédoises. De la série Wallander, dont j’ai acheté plusieurs titres en bouquinerie et que j’avais envie de découvrir à fond, j’ai lu uniquement Meurtriers sans visage, le premier officiel de la série, en… 2012. Bon, ben ça fait dix ans, ça se fête ! Comme j’avais une vague envie de nordique cet été, j’ai sorti ces nouvelles, qui racontent le parcours du jeune policier Kurt Wallander de 1969 (il a 22 ans et est encore en uniforme) à la veille du coup de fil qui l’emmène dans la ferme de Meurtriers sans visage.
La première nouvelle Le coup de couteau part de la mort apparemment par suicide du voisin de Wallander. On suit l’apprentissage, les hésitations, les maladresses mais aussi l’intuition profondément juste de Wallander, intuition qui pousse le jeune policier à agir seul contre les évidences et qui va l’amener aux portes de la mort. Une première enquête qui va le hanter toute sa vie de flic.
La faille est le texte le plus court : au cours d’une vérification de routine, Wallander surprend un jeune étranger qui a assassiné une commerçante.
L’homme sur la plage met en scène la mort d’un industriel à l’arrière d’un taxi. L’enquête piétine avant que l’équipe de Wallander fasse un lien entre la victime et un habitant de la plage.
La mort du photographe est aussi une enquête qui peine à démarrer : le photographe assassiné faisait certes de bizarres recompositions très critiques des visages au pouvoir en Suède et dans le monde (y compris celui de Wallander) mais c’était un homme d’une discrétion absolue.
Enfin, La pyramide, qui part de l’incendie criminel d’une mercerie tenue par deux vieilles dames tout à fait respectables, tient son titre d’un voyage rocambolesque en Egypte par le père de Wallander : la pyramide devient le symbole d’une organisation criminelle dont Wallander veut découvrir tous les « sommets ».
Tout au long de ces cinq nouvelles, nous suivons l’évolution personnelle de Wallander, son couple avec Mona qui bat de plus en plus de l’aile, sa fille Linda qui suivra un chemin éloigné de ses parents, son père avec qui il a toujours eu une relation très compliquée. Nous comprenons aussi l’importance de ses mentors dans la police, à Malmö d’abord puis à Ystad. Enfin, si la série qui démarre en 1990 interroge constamment les policiers sur l’évolution de la société et sur la place de l’état de droit en Suède, on sent que ces questions sont déjà bien présentes dans les premières enquêtes de Wallander.
Je ne suis pas sûre que ce soit un héros très sympathique : il montre peu ses émotions même si elles sont bien réelles, il ne semble pas avoir beaucoup d’humour (mais Henning Mankell en a pour lui en parlant du choix maniaque de ses pulls adaptés aux différentes températures suédoises), il est assez mélancolique… Mais ces nouvelles consistantes (des mini-romans bien construits et détaillés) donnent envie de continuer à découvrir la société à travers les yeux de Kurt Wallander.
« Que se passait-il ? Une faille souterraine avait brusquement fait surface dans la société suédoise. Les séismographes radicaux, les plus sensibles, l’enregistraient. Mais d’où venait-elle ? L’évolution perpétuelle du crime n’avait rien de surprenant en soi. (…) Cette faille à laquelle il pensait (…) se manifestait sous la forme d’une brutalité aveugle. D’une violence gratuite. » (p. 161-162)
« Il possédait différents pulls pour différentes météos et veillait à ne pas les confondre. » (p. 293)
« Peut-être certains se sentent-ils si impuissants aujourd’hui qu’ils refusent de participer à ce que nous appelons le débat démocratique. Eux, de leur côté, sont déjà passés à autre chose. A un monde de rites et de rituels, pour faire court. Si c’est le cas, la démocratie est en mauvaise posture. » (p. 310)
« Qu’est-ce que tu appelles « Suédois » ? Il n’y a plus de frontières. Ni pour les avions, ni pour les criminels. Autrefois, Ystad était à la périphérie du monde. Ce qui arrivait à Stockholm n’arrivait pas ici. Et même Malmö : ce qui arrivait à Malmö n’arrivait pas dans une petite ville telle que Ystad. Ce temps-là est révolu.
Et après ?
Il faudra des policiers d’un genre nouveau. Surtout sur le terrain. Mais des gens comme toi et moi, qui sommes encore capables de réfléchir, on en aura toujours besoin. »
Henning MANKELL, La faille souterraine et autres nouvelles, traduit du suédois par Anna Gibson, Points, 2014 (Editions du Seuil, 2012)
(Finalement cela aura été la seule lecture nordique des vacances.)