La prochaine fois que j’irai au restaurant, je n’oublierai pas mes bougies. Il y a quelques jours, nous avions décidé d’aller déjeuner dans un nouveau restaurant italien de Téhéran. Mais c’est en partie de cache-cache avec nos morceaux de pizzas que le repas s’est terminé. La faute à une énième coupure de courant, qui paralyse la capitale iranienne depuis le début de l’été.
Et oui, cela fait maintenant plus de deux mois que les Iraniens sont abonnés au compteur électrique qui s’interrompt entre deux et quatre heures par jour, selon les villes et les provinces. Et de manière irrégulière ! Un vrai calvaire, surtout quand le thermomètre annonce plus de 35 degrés à l’ombre…Dans les administrations, les banques, les tribunaux, il faut bien souvent prendre son mal en patience en attendant que l’électricité revienne…
Allez comprendre… A première vue, Téhéran dispose des richesses naturelles suffisantes pour faire face aux besoins de sa population. Assis sur les deuxièmes réserves gazières du monde et quatrième producteur mondial de pétrole, l’Iran se trouve pourtant sujet à des problèmes énergétiques récurrents.
Alors, où est le problème ? « Les sanctions internationales sont en train de créer des problèmes en approvisionnement en pièces détachées, notamment auprès de fournisseurs comme Siemens », m’explique un expert occidental, basé à Téhéran. Mais d’après l’économiste Saeed Leylaz, les mesures de rétorsion économiques ne font qu’accentuer des défaillances internes qu’il serait temps de corriger. « Le vrai problème, c’est la gestion erronée de l’économie par le gouvernement d’Ahmadinejad », dit-il. Et de mettre en cause la faiblesse des investissements dans les projets de modernisation des infrastructures industrielles au profit d’aides sociales à tout va. Aujourd’hui, la République islamique fait également les frais du gaspillage encouragé, pendant de longues années, par les subventions publiques dans le secteur énergétique, et accentué par l’urbanisation galopante.
Les coupures actuelles, qui rappellent aux plus anciens la pénurie des huit années de guerre contre l’Irak (1980-88), ont des effets dévastateurs sur le quotidien des Iraniens. « Ces coupures sont sans précédent depuis 20 ans, et perturbent totalement l'économie », écrit le journal économique Sarmayeh.
Conséquence indirecte de ce disfonctionnement, les fils d’attente se font également de plus en plus longues devant les stations-service. Depuis l’instauration d’un nouveau système de rationnement par le régime, l’essence à la pompe se prélève désormais avec une carte à puce, - ce qui complique les choses quand l’électricité fait défaut. Ce disfonctionnement vient s’ajouter aux problèmes actuels d’approvisionnement en essence qui s’empire de jour en jour. Car, paradoxe de ce deuxième exportateur de brut de l’OPEP, l’Iran importe 40 % de son essence, faute de capacité de raffinage suffisante. La faute, une fois de plus, à un manque d’investissement dans les infrastructures industrielles du pays.
Pour faire fasse à la demande croissante en électricité, l’Iran s’est efforcé de développer, au cours de ces dernières années, un réseau hydro-électrique, qui fournit près de 10 % des besoins nationaux. En fait, la sécheresse actuelle ne fait pas bon ménage avec le recours à cette forme d’énergie parallèle. Soupçonnée par les Etats-Unis de chercher à fabriquer une bombe atomique, Téhéran se défend aujourd’hui en estimant n’avoir pour seule solution que le développement de son énergie nucléaire, afin de produire de l’électricité. Or, pour l’instant, le manque de transparence exigée par les Occidentaux, et le retard de la réponse iranienne à l’offre de coopération faite par les six puissances mondiales, ne font que renforcer les risques de sanctions supplémentaires, et d’aggravation des pénuries actuelles. En l’absence de compromis, l’hiver iranien s’annonce rigoureux.