À l'occasion de son sommet de la donnée et de l'analytique, le cabinet Gartner présente les résultats d'une enquête menée auprès de dirigeants d'entreprise (en Allemagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis), qui, à travers leurs excès d'optimisme, révèlent que la confusion continue à régner sur les promesses de l'intelligence artificielle.
Selon Erick Brethenoux, un des spécialistes du sujet, la maturité progresse fortement dans les organisations. L'IA commence à s'imposer comme un véritable pilier stratégique après une période plutôt consacrée à des projets tactiques. Cette impression est confirmée par plusieurs observations quantitatives, entre, notamment, les quelques 40% de répondants affirmant exploiter des milliers de modèles et les 30% qui en confirment l'adoption dans différentes lignes métier, au service de leur compétitivité.
L'expansion rapide des applications induit cependant un emballement précoce. Ainsi, quand les responsables estiment qu'il devrait être possible d'automatiser 80% des décisions, en grande partie grâce à l'IA, il y a matière à s'interroger… soit sur l'illusion qu'ils entretiennent, soit sur le fonctionnement de leur structure. Car, en reconnaissant que l'essentiel de leur activité est en quelque sorte mécanique, ils admettent implicitement que leur performance et l'avantage concurrentiel qu'ils défendent sont déficients.
Dans un registre différent, alors que tout le monde estime que la pénurie de talents est l'obstacle principal à une généralisation des usages, les personnes interrogées déclarent ne pas rencontrer de difficulté particulière à trouver les compétences requises, pour recrutement ou en prestation. Au vu de l'état du marché, je crains que cette perception ne soit due à des ambitions extrêmement modestes, se satisfaisant d'algorithmes simples, voire simplistes. On est alors très loin de l'entreprise quasi-autonome rêvée !
La sécurité et la protection des données font l'objet d'un autre mirage populaire, puisque seuls 3% des dirigeants les considèrent comme un frein aux mises en œuvre… quand plus de 4 organisations sur 10 ont déjà été victimes d'un incident. Pire, ils croient que la menace vient en priorité de l'extérieur et que la riposte est technologique quand tous les indicateurs montrent que la plupart (60%) des défaillances trouvent leur source parmi les collaborateurs et que, par conséquent, le risque humain doit aussi être pris en compte.
Le décalage avec les faits se reflète pourtant concrètement dans une autre statistique : presque la moitié des tentatives d'utilisation de l'intelligence artificielle, sous forme de pilote, d'expérimentation, de preuve de concept…, n'aboutissent jamais en production. Et cette proportion n'a pas sensiblement évolué au cours des 3 dernières années. Il faut en conclure que, selon toute vraisemblance, la maturité réelle de l'IA est toujours aussi faible dans les entreprises et que le seul vrai changement visible réside dans leur appropriation d'un discours approximatif et chimérique, jusqu'au plus haut niveau.