les jamais atterris, les désaxés,
un pâle capitaine est mort.
Je ne vois plus battre les veines
de ses tempes.
Son visage, caillou entaillé,
est enfin immobile.
Que nous soyons rongés pour la vie,
elles le savent, les natures égales,
les âmes imperturbables
en chacune de leurs heures uniformes.
Ils ont brisé sa frêle échine.
Ils l’ont enfermé avec chaise et pain et paille.
Ils l’ont déclaré malade et fou.
Ils avaient pitié.
Je le rencontrerai encore
sous les ponts, dans la gare vide.
Il m’entourera l’épaule de son bras.
Vers le matin il viendra trouer,
racler mes fibres
et je crierai : Artaud, Artaud.
Je ne vois plus battre les veines
de ses tempes.
Brisez la ceinture d’impuissance.
Écrasez la coquille d’infécondité.
Mon lévrier mort, ma tour en ruine,
mon premier-né sanglant,
homme ravagé, brûlé, Antonin Artaud.
***
Hugo Claus (1929-2008) – Poèmes (L’Age d’Homme, 1998) – Traduit du néerlandais par Marnix Vincent.